Prologue: Une nuit nouvelle...
Un an et demi
après la Grande Révélation de 2012, le monde ne se portait pas plus mal ni pas
mieux qu’avant. Enfin… Ca dépendait pour qui. Pour elle-même, Azul Rosario, la
Grande Révélation avait été une amélioration sensible de son train de vie
suivie d’une descente aux enfers. Encore que la descente aux enfers n’était pas
du fait de la Révélation mais plutôt d’un petit groupe des Révélés qui… Il
fallait qu’elle se calme. A chaque fois qu’elle pensait à son ex-fiancé (et
elle refusait de penser qu’il soit persuadé qu’ils étaient mariés), elle avait
des montées de rage tellement intenses qu’elle se retrouvait parfois dans un
appartement qui semblait avoir connu un cyclone et sans aucun souvenir de ce
qui s’était passé. Azul espérait juste que ce contrecoup des mauvais
traitements de Mark ne soit juste qu’une perte de mémoire et un bris de meubles
en règle. Elle priait même que ça n’aille pas plus loin parce que ça… ça
l’aurait achevé. Il était hors de question que ce salopard de merde ait eu
cette influence sur elle.
Elle s’arrêta un instant, obligeant l’homme qui la tenait par la main à s’arrêter aussi, pour respirer calmement. Elle avait envisagé de se mettre au Yoga pour calmer ses moments où elle voyait tout en rouge mais elle avait à peine le temps de mener sa vie alors le Yoga… Et puis le beau jeune homme qui l’attendait dans son lit la calmait bien d’avantage que des antidépresseurs en l’entrainant dans des séances de sexe aussi sauvages qu’elles pouvaient être tendres. L’amant idéal. Non, rectification : le Plan cul idéal. Ils s’étaient parfaitement entendus dès le début pour convenir que ce n’était que du sexe et qu’à part ça, ils seraient amis et puis c’est tout ! Depuis Mark, Azul ne voulait plus de relation sentimentale et son plan-cul était bien d’accord. Manifestement, lui aussi avait vécu une rupture assez violente et chat échaudé… Mais Azul ne lui avait jamais posé la question. Ne serait-ce que parce qu’elle-même n’était pas particulièrement honnête concernant ses propres confidences.
- Vous allez bien, Mademoiselle Rosario ?
- Oui, oui… Juste un instant, ça va passer.
L’homme à côté de lui eut ce sourire de bon père de famille et lui pressa gentiment la main en signe de soutien. Quel était son nom déjà ? Ah oui, Anthony Korsoff. Il avait payé une très jolie somme pour la prestation qu’elle devait lui fournir et elle devait bien avouer qu’il n’avait pas abusé de la situation. Loin de là… Et Dieu savait qu’elle avait dû en gérer des situations pourries… C’était le problème de son métier. Tout le monde ne disait pas la vérité et on se retrouvait avec des situations rocambolesques auxquelles elle assistait en espérant que ça ne dégénère pas. Jusqu’ici, et depuis qu’elle travaillait pour Seconde Chance, elle n’avait pas eu de gros soucis mais l’histoire de Mama Diabo qui œuvrait à Los Angeles avait quelque peu atténué les ardeurs des clients potentiels. Ils reprirent leur marche lente profitant des derniers rayons de soleil et de la douceur de ce soir d’été. M. Korsoff semblait heureux, oui tout simplement heureux. Ses visites s’étaient passées idéalement et il lui avait signifié plusieurs fois à quel point il était content de qu’elle faisait pour lui. Il avait même passé un coup de fil à Seconde Chance pour leur décrire l’excellence de leur employée. Azul, qui pourtant était loin d’être une rosière dans pas mal de domaines, en avait rougi jusqu’à la racine des cheveux.
La montre d’Azul bipa légèrement et elle regarda l’heure bien qu’elle sache pertinemment ce que signifiait cette alarme. Elle se tourna vers M. Korsoff avec un sourire d’excuse :
- Je suis désolée, Monsieur…mais c’est l’heure de retourner là-bas.
- Je sais… Ce fut une belle journée.
Il n’y avait pas besoin d’en dire plus mais elle devait avouer qu’elle l’aimait bien ce client-là. Combien de fois avait-elle eu des clients qui la traitaient comme une sous-merde sous prétexte qu’elle avait été payée… N’eut-été sa déontologie personnelle, elle les aurait envoyé bouler avant de saler leur tombe. Trois fois. Elle accompagna son client parmi les allées du cimetière et, bien qu’elle officiait à Seattle depuis six mois et qu’elle connaissait ce cimetière par cœur, elle comptait les tombes mal fermées. Pas beaucoup d’améliorations depuis la dernière fois mais bon… Il avait peu de chances que son métier soit reconnu d’utilité publique et donc qu’elle ait une subvention de l’état pour solutionner ce foutoir. Tant pis. Ils s’arrêtèrent devant une pierre tombale assez simple avec juste la mention du nom et des dates. Anthony Korsoff se crut obligé de donner une explication :
- J’avais refusé qu’on y fasse trop de dépenses. Après tout… Ce n’est qu’une tombe.
Azul lui sourit et sortit de sa poche la clef des menottes. Une obligation, ça, les menottes… Depuis que le métier avait été reconnu, ça avait été la première chose qui avait été demandé, avant même la fermeture des tombes. Mais c’était logique. Personne ne voulait voir ses clients sans contrôle, ce qui se comprenait. Avant qu’elle ne se recule, il l’attrapa et la serra contre lui avec tendresse. Quand il se redressa, il avait les larmes aux yeux.
- Merci pour cette merveilleuse dernière journée, Mademoiselle Rosario. Dieu vous bénisse…
C’était tellement plus simple quand votre client n’essayait pas de rogner quelques minutes supplémentaires. Rien que pour ça, elle aurait pu lui accorder mais M. Korsoff avait déjà payé pour le forfait maximum de douze heures, du lever au coucher du soleil. Impossible selon les lois en vigueur de déroger même s’il se murmurait dans le métier que certains tenaient illégalement les vingt-quatre heures et parfois une semaine entière. Azul trouvait ça stupide… Elle posa ses doigts sur sa poitrine et ferma les yeux en chuchotant :
- Memento quia pulvis es…
Anthony Korsoff ferma les yeux définitivement pour la seconde fois de son existence et se laissa partir en arrière pour se faire avaler par sa propre tombe. Il était mort trois mois auparavant et avait demandé sa réanimation temporaire pour voir comment sa famille se portait et donner ses ultimes recommandations. Avec précaution, Azul saisit la petite fiole rouge qu’elle gardait dans son sac pour ce genre d’occasion. Dans une réanimation temporaire, ce qui coutait le plus cher, ce n’était pas la levée du corps mais bien la fermeture de la tombe. A chaque fois, le nécromancien était obligé d’apposer son propre sceau pour être sûr que le mort ne se relève pas sans son consentement et même qu’un autre nécromancien ne le réveille à son tour. Et la composition du sceau nécessitait une somme rondelette. Quand elle était encore indépendante, le sceau ne faisait pas partie de ses prestations. Elle ne pouvait pas se permettre de garder plus de deux sceaux prés d’elle et le temps de préparation était d’une semaine dans les meilleurs cas. Elle avait réussi à convaincre son patron de lui attribuer une petite prime pour les sceaux de tombe et en posait un à chaque fois qu’elle finissait un contrat, elle scellait la tombe. Les non-initiés croyaient qu’une fois relevé et remis dans la tombe, un mort ne pouvait pas être réanimé une seconde fois. Azul savait que c’était faux. Elle-même avait ranimé un mort trois fois de suite au prix d’un bon mois à vomir tripes et boyaux. Cependant, la raison de fermer une tombe ne venait pas d’une volonté de ne plus subir une gastro-entérite à répétition mais bien de l’agressivité du mort qui allait croissante, pouvant aller jusqu’à attaquer son nécromancien, pouvant aller jusqu’à échapper à son contrôle, drainant l’énergie vitale de son invocateur jusqu’à la mort… Tout en provoquant le chaos.
Azul apposa son pouce maculé du sceau par trois fois sur la tombe et se releva. Son téléphone vibrait dans sa poche et elle lécha ses doigts avant de répondre. C’était Mary, la standardiste de Seconde Chance et sans doute la seule femme de Seattle qu’Azul pouvait considérer comme une amie.
- Ouais, ma belle ? Je viens de finir… On essaye de se boire un verre ce soir ?
- Je t’appelle pas pour ça, Zu… Y’a deux types qui sont venus au bureau aujourd’hui… Ils ont posé des questions sur toi… Je crois que ça sent pas bon…
Azul vira instantanément au blanc. Mark l’avait retrouvé. Encore.
Elle s’arrêta un instant, obligeant l’homme qui la tenait par la main à s’arrêter aussi, pour respirer calmement. Elle avait envisagé de se mettre au Yoga pour calmer ses moments où elle voyait tout en rouge mais elle avait à peine le temps de mener sa vie alors le Yoga… Et puis le beau jeune homme qui l’attendait dans son lit la calmait bien d’avantage que des antidépresseurs en l’entrainant dans des séances de sexe aussi sauvages qu’elles pouvaient être tendres. L’amant idéal. Non, rectification : le Plan cul idéal. Ils s’étaient parfaitement entendus dès le début pour convenir que ce n’était que du sexe et qu’à part ça, ils seraient amis et puis c’est tout ! Depuis Mark, Azul ne voulait plus de relation sentimentale et son plan-cul était bien d’accord. Manifestement, lui aussi avait vécu une rupture assez violente et chat échaudé… Mais Azul ne lui avait jamais posé la question. Ne serait-ce que parce qu’elle-même n’était pas particulièrement honnête concernant ses propres confidences.
- Vous allez bien, Mademoiselle Rosario ?
- Oui, oui… Juste un instant, ça va passer.
L’homme à côté de lui eut ce sourire de bon père de famille et lui pressa gentiment la main en signe de soutien. Quel était son nom déjà ? Ah oui, Anthony Korsoff. Il avait payé une très jolie somme pour la prestation qu’elle devait lui fournir et elle devait bien avouer qu’il n’avait pas abusé de la situation. Loin de là… Et Dieu savait qu’elle avait dû en gérer des situations pourries… C’était le problème de son métier. Tout le monde ne disait pas la vérité et on se retrouvait avec des situations rocambolesques auxquelles elle assistait en espérant que ça ne dégénère pas. Jusqu’ici, et depuis qu’elle travaillait pour Seconde Chance, elle n’avait pas eu de gros soucis mais l’histoire de Mama Diabo qui œuvrait à Los Angeles avait quelque peu atténué les ardeurs des clients potentiels. Ils reprirent leur marche lente profitant des derniers rayons de soleil et de la douceur de ce soir d’été. M. Korsoff semblait heureux, oui tout simplement heureux. Ses visites s’étaient passées idéalement et il lui avait signifié plusieurs fois à quel point il était content de qu’elle faisait pour lui. Il avait même passé un coup de fil à Seconde Chance pour leur décrire l’excellence de leur employée. Azul, qui pourtant était loin d’être une rosière dans pas mal de domaines, en avait rougi jusqu’à la racine des cheveux.
La montre d’Azul bipa légèrement et elle regarda l’heure bien qu’elle sache pertinemment ce que signifiait cette alarme. Elle se tourna vers M. Korsoff avec un sourire d’excuse :
- Je suis désolée, Monsieur…mais c’est l’heure de retourner là-bas.
- Je sais… Ce fut une belle journée.
Il n’y avait pas besoin d’en dire plus mais elle devait avouer qu’elle l’aimait bien ce client-là. Combien de fois avait-elle eu des clients qui la traitaient comme une sous-merde sous prétexte qu’elle avait été payée… N’eut-été sa déontologie personnelle, elle les aurait envoyé bouler avant de saler leur tombe. Trois fois. Elle accompagna son client parmi les allées du cimetière et, bien qu’elle officiait à Seattle depuis six mois et qu’elle connaissait ce cimetière par cœur, elle comptait les tombes mal fermées. Pas beaucoup d’améliorations depuis la dernière fois mais bon… Il avait peu de chances que son métier soit reconnu d’utilité publique et donc qu’elle ait une subvention de l’état pour solutionner ce foutoir. Tant pis. Ils s’arrêtèrent devant une pierre tombale assez simple avec juste la mention du nom et des dates. Anthony Korsoff se crut obligé de donner une explication :
- J’avais refusé qu’on y fasse trop de dépenses. Après tout… Ce n’est qu’une tombe.
Azul lui sourit et sortit de sa poche la clef des menottes. Une obligation, ça, les menottes… Depuis que le métier avait été reconnu, ça avait été la première chose qui avait été demandé, avant même la fermeture des tombes. Mais c’était logique. Personne ne voulait voir ses clients sans contrôle, ce qui se comprenait. Avant qu’elle ne se recule, il l’attrapa et la serra contre lui avec tendresse. Quand il se redressa, il avait les larmes aux yeux.
- Merci pour cette merveilleuse dernière journée, Mademoiselle Rosario. Dieu vous bénisse…
C’était tellement plus simple quand votre client n’essayait pas de rogner quelques minutes supplémentaires. Rien que pour ça, elle aurait pu lui accorder mais M. Korsoff avait déjà payé pour le forfait maximum de douze heures, du lever au coucher du soleil. Impossible selon les lois en vigueur de déroger même s’il se murmurait dans le métier que certains tenaient illégalement les vingt-quatre heures et parfois une semaine entière. Azul trouvait ça stupide… Elle posa ses doigts sur sa poitrine et ferma les yeux en chuchotant :
- Memento quia pulvis es…
Anthony Korsoff ferma les yeux définitivement pour la seconde fois de son existence et se laissa partir en arrière pour se faire avaler par sa propre tombe. Il était mort trois mois auparavant et avait demandé sa réanimation temporaire pour voir comment sa famille se portait et donner ses ultimes recommandations. Avec précaution, Azul saisit la petite fiole rouge qu’elle gardait dans son sac pour ce genre d’occasion. Dans une réanimation temporaire, ce qui coutait le plus cher, ce n’était pas la levée du corps mais bien la fermeture de la tombe. A chaque fois, le nécromancien était obligé d’apposer son propre sceau pour être sûr que le mort ne se relève pas sans son consentement et même qu’un autre nécromancien ne le réveille à son tour. Et la composition du sceau nécessitait une somme rondelette. Quand elle était encore indépendante, le sceau ne faisait pas partie de ses prestations. Elle ne pouvait pas se permettre de garder plus de deux sceaux prés d’elle et le temps de préparation était d’une semaine dans les meilleurs cas. Elle avait réussi à convaincre son patron de lui attribuer une petite prime pour les sceaux de tombe et en posait un à chaque fois qu’elle finissait un contrat, elle scellait la tombe. Les non-initiés croyaient qu’une fois relevé et remis dans la tombe, un mort ne pouvait pas être réanimé une seconde fois. Azul savait que c’était faux. Elle-même avait ranimé un mort trois fois de suite au prix d’un bon mois à vomir tripes et boyaux. Cependant, la raison de fermer une tombe ne venait pas d’une volonté de ne plus subir une gastro-entérite à répétition mais bien de l’agressivité du mort qui allait croissante, pouvant aller jusqu’à attaquer son nécromancien, pouvant aller jusqu’à échapper à son contrôle, drainant l’énergie vitale de son invocateur jusqu’à la mort… Tout en provoquant le chaos.
Azul apposa son pouce maculé du sceau par trois fois sur la tombe et se releva. Son téléphone vibrait dans sa poche et elle lécha ses doigts avant de répondre. C’était Mary, la standardiste de Seconde Chance et sans doute la seule femme de Seattle qu’Azul pouvait considérer comme une amie.
- Ouais, ma belle ? Je viens de finir… On essaye de se boire un verre ce soir ?
- Je t’appelle pas pour ça, Zu… Y’a deux types qui sont venus au bureau aujourd’hui… Ils ont posé des questions sur toi… Je crois que ça sent pas bon…
Azul vira instantanément au blanc. Mark l’avait retrouvé. Encore.