Chapitre 7: Sympathy for the Devil.
En toute honnêteté, j’ai mis une bonne heure à m’en remettre. En même temps, entendre la voix du type que vous aviez aimé, qui vous avez trahi et à qui vous avez arraché l’âme peut en perturber plus d’un. J’aurais aimé pouvoir entendre Ash traiter Alcibiade comme du poisson pourri pour le coup qu’il m’avait fait alors que le reste des personnes présentes me tenaient serré contre eux. Je suppose que c’était un moyen pour eux d’essayer de me calmer par le contact mais j’ai juste eu très chaud.
Néanmoins, il sembla que les paroles d’Ash n’atteignirent pas leur but puisque je finis par entendre qu’Alcibiade se tapait un fou rire avant de me donner rendez-vous dés le lendemain à Central Park. Même si ça ne servait strictement à rien, je me suis descendu les trois bouteilles de vin avant de râler pour que quelqu’un aille me chercher quelques bouteilles de saké chez Kyoichi. C’est étonnant comme mes caprices de sale gosse passent beaucoup mieux quand on me voit vulnérable. Il faudrait que je pense à en abuser plus souvent, tiens…
C’est donc à reculons que je suis allé à ce rendez-vous. Ash avait beau m’avoir assuré qu’Alcibiade avait eu un trait d’humour particulièrement noir après s’être renseigné sur mon compte, j’étais sur que l’homme que je devais rencontrer n’allait pas me plaire du tout. C’était trop précis pour une simple blague et bien trop malveillant pour être innocent. Sans oublier sa voix. Je connaissais bien la voix de Ben, elle avait alimenté mes fantasmes avant d’alimenter mes cauchemars et c’était la même. Avec un soupçon de fiel en plus. Alcibiade m’avait donc donné rendez-vous au Gothic Bridge, ce qui était plutôt classique et intelligent vu le monde qui y passait régulièrement. Impossible de se faire attaquer subrepticement vu la foule de témoins. Comme j’étais en avance, j’ai passé le temps en regardant le Park. Je n’avais pas le droit de me transformer et de courir mais l’envie de sentir l’herbe sous mes pattes et de m’épuiser à m’ébattre en tout sens. Cette simple sensation me conforta suffisamment pour que je puisse attendre plus tranquillement que je ne l’avais espéré de prime abord. Et puis j’ai senti ce parfum de cannelle et d’orange avec un soupçon de piment. La cannelle et l’orange étaient les deux parfums que j’avais toujours aimé chez Ben et je me posais la question : Pourquoi pousser le mimétisme aussi loin ? La réponse était simple : parce qu’il n’avait pas à se forcer, il était Ben.
Il s’accouda au parapet à coté de moi en souriant.
- A chaque fois que je vois un peu de verdure, j’ai une envie folle de courir partout. Mais je suppose que vous savez pourquoi.
- Comment c’est possible ?
Je ne pouvais pas le regarder, c’était au dessus de mes forces car je savais que c’était le même visage, le même corps… Ça me terrifiait.
- Il n’est plus là, rassurez-vous. Vous avez bien fait votre travail… Ce qui a fortement facilité ma venue, soit dit en passant.
- Et vous êtes quoi ?
Il a soupiré et a croisé les doigts devant lui.
- Vaste question. Qui appelle une très vaste réponse.
- Essayez de résumer, alors.
- On pourrait me qualifier de charognard. Après tout, c’est ce que j’ai fait cette fois-ci : Un corps parfait, sans personne dedans… Le rêve pour moi.
- Vous êtes un parasite.
Je l’ai entendu sourire. Oui, je l’ai véritablement entendu sourire, ce qui m’a obligé à tourner la tête pour le regarder. Toujours ce même profil, toujours ce visage qui m’avait fait fondre avec ces pommettes hautes et cette peau que j’avais rêvé d’embrasser… Mais les expressions n’étaient pas les bonnes. Ce furent sans doute ces expressions fausses sur son visage qui achevèrent de convaincre Louveteau que ce n’était pas Ben et qu’il pouvait arrêter de me labourer le cerveau de ses griffes. Mon loup était calme, moi je m’étouffais dans mes remords. En public, j’avais affecté de le détester absolument et de ne pas manquer de lui cracher dessus à chaque occasion. Dans le secret de mon esprit, c’était autre chose. Le regret et le remord se disputaient à armes égales. Je m’étais renseigné sur les Familles de Chasseurs et ce n’était pas vraiment quelque chose que je pouvais apprécier. Loin de là. De véritables sectes où chaque enfant est entrainé à combattre dés son plus jeune âge et endoctriné pour haïr les surnaturels. Ben aurait pu m’aimer, j’en étais sur, si sa famille ne lui avait pas inculqué de telles saloperies. Peut-être aurait-il pu changer d’avis ? Mais je l’avais privé de toute possibilité de le faire et ça me rongeait.
- D’une certaine manière, oui. En règle générale, je ne prends pas le contrôle total puisque c’est une entreprise difficile et qui peut échouer. Là… pour le coup, je n’avais rien à faire. Alors, j’en ai profité. Quant à ma nature… Elle est en perpétuelle évolution.
- Comment ça ?
- Vous avez peut-être détruit une âme mais ce n’est pas le siège de la mémoire. A chaque fois que je prends possession d’un nouveau corps, j’ai accès aux souvenirs de celui-ci. Que je le veuille ou non, ces souvenirs me changent.
- Vous êtes un démon ?
Il pinça la bouche avec un air de dégout.
- Je n’aime pas ce terme.
- Ça ne change rien à la réalité.
- Je ne suis pas un démon. Siffla t-il avec une lueur de rage dans les yeux.
Et c’est là que j’ai compris une part de la vérité. Non, en effet, ce n’ était pas un démon mais ce n’était pas non plus l’inverse. Aucun ange ne s’amuserait à posséder un corps : ils préfèrent fusionner avec un être humain vivant dont ils sont proches.
- Je me doutais que vous pouviez… chuter. Ais-je marmonné. Je ne savais pas que vous pouviez « remonter ».
- Nous ne pouvons pas. Pas sans Son accord. (Il a soupiré en se redressant et en croisant les bras.) Cependant, il est possible de se désengager de la Grande Guerre et d’essayer de reconquérir son salut.
- C’est à cause de ça que je ne suis pas en train de baver et de gronder ?
Les démons et les métamorphes… c’est une grande histoire de haine maintes et maintes fois recuite. Depuis le début, parait-il, depuis que le premier métamorphe est venu au monde et qu’il a croisé un démon qui a essayé de le détruire. Cette rage est passée en chacun de nous et à chaque fois que nous voyons un démon, nous pétons les plombs et cet état de rage dure jusqu’à ce que le démon soit mort.
- Oui. Je ne dégage pas la même odeur ni la même aura depuis… Depuis que j’ai abandonné ma charge.
- Et quelle était-elle ?
- Tisseur de contrat.
J’ai haussé les sourcils en me disant que j’aurais pu tomber sur largement moins puissant. La hiérarchie démoniaque n’était pas vraiment mon domaine de prédilection mais les tisseurs de contrat faisaient partie de la caste haute. Sans doute parce qu’ils étaient parmi les seuls à pouvoir manipuler la réalité et à pouvoir donner corps aux souhaits des humains. Au dessus d’eux, on ne comptait que la véritable « noblesse » des enfers. Des gens qu’il ne valait mieux pas fréquenter.
- Ah oui, quand même… Pourquoi avoir abandonné ce pouvoir ?
- La lassitude. Ça et les souvenirs… Contrairement aux autres, je ne me suis jamais purgé de la mémoire de mes hôtes et comme je l’ai dit, les souvenirs me changent.
- Pourquoi ne pas avoir fait cette purge ?
- C’est une question qui ne vous intéresse pas vraiment. Vous êtes venu pour autre chose et j’attends que vous posiez LA question.
Il est vrai que ses souvenirs et ses motivations m’importaient peu mais connaitre la Bête n’était pas vraiment une chose que je voulais. Plus j’en apprenais, moins je pensais être capable de la combattre.
- Bon, qu’on en finisse… A quoi Elle ressemble ?
- Vous savez… C’est une chose que j’ai toujours apprécié dans le fait d’absorber la mémoire des autres. Ce souvenir devrait me terrifier, je le sais… et pourtant, je m’y ballade comme si je regardais des images au mur, comme dans une exposition de peintures. En dessous, il y a comme des panonceaux qui m’indiquent les sentiments qui correspondent. J’ai eu du mal à le reconstituer celui-là. Particulièrement traumatisant. Mais, c’est normal. Vous savez pourquoi ?
- La mort.
- Exactement. La mort la plus horrible qui soit. Inéluctable, brutale… et sans aucune raison. La terreur avait masqué la plupart des images, il ne restait que les sensations. Ce qui était loin d’être agréable. Néanmoins, j’ai réussi à retirer chaque rature et enfin avoir la réponse à une question que je me posais depuis longtemps. A quoi ressemblait cette créature qui terrifiait l’humanité depuis si longtemps…
- C’est exactement la question que je vous pose.
Il a souri et m’a regardé droit dans les yeux ce qui m’a obligé à baisser les miens. Je ne pouvais pas le regarder en face, c’était trop dur pour moi.
- Je pourrais vous faire la description. Elle ne lui rendrait absolument pas justice.
- Je m’en contenterais.
- Non, je ne pense pas.
Je ne pensais pas qu’un ex-démon dans un corps d’humain puisse être aussi rapide mais il le fut et colla son front au mien. Je n’ai jamais su si la douleur était liée au flash de lumière aveuglante qui me frappa de plein fouet ou si c’était dû à ce qu’il m’avait fait. Mais, la lumière redevenant plus supportable, je me suis retrouvé en plein milieu d’un champ de bataille enneigé. Sauf que rien ne bougeait. Les flocons étaient suspendus dans l’air, dans une espèce de danse furieuse immobile.
- On… on est où, là ?
- Dans le souvenir de Ben Whitehall… Avant qu’il se nomme ainsi. Avant même qu’il ai eu l’envie de suivre la tradition de sa Famille.
- Je croyais que ça serait une image… dans une sorte de galerie.
- Pas ce souvenir-là. Je vous avais dit que j’avais mis un temps fou à le restaurer. Pour cela, il faut partir de tout ce qui n’a pas été raturé. Tout le reste. De la place de chaque flocon jusqu’à l’intensité de la lumière.
- Mais je ne la vois pas.
- Pas encore.
La neige reprit son cours, d’abords flottante et calme puis la tempête reprit ses tourbillons et ses fureurs. Ce qui m’étonnait le plus était l’absence de son. Je n’entendais rien du tout.
- La voilà… murmura t’il.
Les flocons commencèrent à prendre des couleurs et à changer de taille. J’eus devant moi le moment même de l’attaque, quand la Bête s’était extirpée de sa cachette de neige pour fondre sur ses proies et le moment où ses crocs s’apprêtaient à plonger dans la chair de sa première victime.
- Seigneur… Elle est gigantesque.
Finalement, la description égyptienne n’était pas si mal. Elle manquait juste de précision sur la taille de la créature et sur son coté particulièrement effrayant.
- D’après mes calculs, elle fait pas loin de 2,5 mètres au garrot.
- Soit presque deux fois la taille d’un loup-garou classique.
C’était une créature étrange tout de même. Elle était plus grande qu’Azul sous sa forme de dragon et ses griffes et crocs étaient plus impressionnants.
- En fait, c’est un miracle que quelqu’un ait pu, ne serait-ce qu’en une seule occasion, survivre à un tel monstre.
- En effet. C’est un miracle à chaque fois que quelqu’un lui survit. C’est sans doute pour cela qu’ils s’enorgueillissent de ce miracle et fondent des lignées entières. Ils se prennent pour des élus. Est-ce que vous avez remarqué ?
J’avais beau me tourner dans tous les sens, je ne le voyais nulle part.
- Remarqué quoi ?
- C’est une femelle.
Je me suis baissé pour regarder son ventre. Des mamelles, en effet et pas d’organe génital mâle. J’avais toujours cru que la Bête était un homme puisqu’il était plus facile pour moi d’imaginer un homme commettre ces atrocités. Mais après tout, c’était logique. Elle était la seule d’entre nous à ne pas avoir peur des cris d’enfants en bas âge. Le Fenris m’avait expliqué que c’était à cause de notre stérilité et que nous ressentions ces cris comme des poignards enfoncés dans le cœur à cause de la perte de cette capacité. La Bête était une femelle qui était folle. Elle ne ressentait pas cette perte.
- Pourquoi a-t-elle les yeux rouges ? Ce n’est pas une couleur naturelle, aucun autre loup ne possède d’yeux rouges.
- En effet et j’ai cherché longtemps. A part elle, aucun loup ne possède cette couleur. Je ne sais pas si ça signifie quelque chose.
- Si sa fourrure était blanche, elle aurait peut-être été atteinte d’albinisme.
- Vous ne saviez pas ? La fourrure d’un métamorphe change de couleur lors de l’association. Quand le traumatisme est enfin dépassé. Généralement, le changement n’est pas très visible, à peine une différence de ton dans le pelage…
- Du blanc au noir ? C’est un peu radical.
- Et pourquoi pas ? On a vu plus étrange en ce monde.
Une louve albinos… Je jouais avec l’idée pendant que le souvenir prenait un rythme lent, l’inexorable mort qui venait prendre chacun des soldats présents dans un cri unanime et silencieux. J’avais pitié d’eux, à presque cent ans d’intervalle. Pourtant j’avançais parmi la scène de crime, plutôt heureux que Louveteau ne puisse rien voir ni sentir car je pense qu’il aurait pété les plombs. Je continuais à m’approcher du monstre noir qui fondait au ralenti sur ses proies.
- Comment se fait-il que ce soit si net ? Je n’arrive jamais à me souvenir comme ça… Comme si je regardais la télévision.
- Contrairement aux humains et à pas mal de surnaturels, je n’ai pas d’émotions quand j’explore ces souvenirs. Ils ne sont pas à moi et ne m’apporte ni bonheur ni peine. Je ne les enjolive pas ni ne les atténue. Voilà le secret de leur netteté.
J’étais tellement prés de la Bête que je pouvais presque tendre la main pour la toucher. La voix de Ben me retint avant que mes doigts n’effleurent sa fourrure.
- Je vous le déconseille. Vous ne sentirez rien du tout. Ça pourrait même troubler le souvenir.
J’ai retiré ma main pour regarder la tête de la Bête. Avec n’importe quelle couleur de pelage autre que le blanc polaire, elle aurait du avoir les babines d’un brun tirant sur le noir mais elles étaient pâles, presque blanches, ce qui accentuait la taille de ses crocs.
- C’est une femme albinos… Elle est folle et, sous sa forme de louve, elle a l’air émacié. Comme si elle n’avait rien mangé depuis des mois.
C’est là que j’ai compris tout l’étendue du problème. Elle était folle, sans aucun doute, mais peut-être avait-elle suffisamment de lucidité sous sa forme humaine pour comprendre que ce qu’elle faisait était monstrueux. Puis, la Bête en elle reprenait ses droits et elle tuait. Vu sa maigreur, on aurait pu penser que c’était la faim qui la poussait à chasser mais comme l’avait dit Ash, elle ne mangeait pas ses proies. Peut-être un reste de son humanité ? Je pensais plutôt que la dissociation irrémédiable entre les deux parties de l’âme avait conduit à une lutte intestine de tous les instants. Même si je comprenais Louveteau et sa vengeance, j’ai toujours eu un malaise en sachant ce qu’il avait fait à Ben. Le priver de certaines capacités, de certains désirs et même de certains goûts. Lentement, de manière à ce que jamais ce ne soit visible, mon Louveteau mutilait consciencieusement Ben pour le punir de l’avoir enfermé. La Folle punissait la Bête en lui coupant l’appétit et en l’affamant.
- J’ai eu ce que je voulais.
Encore un flash de lumière et je me suis retrouvé les yeux dans les yeux avec Alcibiade. J’ai reculé vivement alors que Louveteau grondait. Il avait beau savoir que ce n’était pas Ben, c’était tout de même trop proche pour lui. Je le comprenais aisément. Malgré mes efforts, je ne pouvais pas m’empêcher de trembler. Tout ce temps, j’avais cru que ça m’était passé mais non…
Alcibiade se mit à sourire avec un petit air impertinent.
- Un problème, Vincent ?
- Aucun. Ais-je marmonné en essayant de reprendre mes esprits. Pourquoi un démon m’aiderait ?
- Parce que je ne suis pas un démon, pour commencer. Et ensuite… Disons que c’est une excuse en avance pour… Le reste.
- Quel reste ?
Il s’est retourné vers le parc, observant un couple de joggers en train de souffrir sur une allée.
- Vous êtes libre de ne pas me croire, après tout, qui croirait un ex-démon ? Mais la vérité est sensée nous libérer, pas vrai ?
J’ai commencé à le sentir très mal. A l’intérieur de mon crâne, mon Loup s’agitait comme s’il sentait le danger tout autour de nous. Sans oublier une bonne dose de panique qui nous courait sur la colonne vertébrale, de haut en bas. Quand Alcibiade a lâché sa bombe, je l’ai à peine senti passer puisque j’étais glacé par l’appréhension.
- Il vous aimait. Et il se détestait pour ça puisque ça contrevenait aux besoins de sa Famille. Et quelque part, il vous détestait pour le forcer à choisir. Le pauvre était complètement perdu.
Louveteau avait cessé de bouger, écoutant avec attention ce que le démon me disait. J’avais beau le presser de me dire la vérité, il ne le pouvait pas. Au début, il avait essayé de s’intéresser à son hôte pour trouver quelque chose qui lui ferait plaisir et entamer une relation de confiance… Peine perdue, il n’avait obtenu que du mépris et de la haine. Alors, il avait abandonné et commencé son lent travail de sape. De ce fait, il ne savait rien de ce qu’avait pensé Ben sur moi.
Quant à moi… Comment ne pas avoir espéré ? Et même après ce que je lui avais fait, comment ne pas y avoir cru même un petit peu ? Mais le savoir… C’était encore pire que ce que j’avais imaginé. J’ai arrêté d’écouter et je suis parti sans me retourner. Je crois qu’Alcibiade n’a pas dit un mot de plus mais je m’en fichais complètement. Je suis retourné au Manhattan View avec une boule au ventre. Incapable de voir qui que ce soit, je leur ai demandé par texto de me foutre la paix et de ne pas rentrer chez moi
Je déteste ça… J’avais déjà passé tellement de temps à me morfondre que retourner sous mon lit était à la fois une torture et une nécessité. Oui, j’ai bien dit sous mon lit. Quand j’avais huit ans, j’ai vu mon premier film d’horreur et ça m’a tellement foutu en l’air pendant une semaine que ma mère m’avait conseillé de dormir sous le lit pour que les zombies ne me voient pas. Depuis, à chaque fois que j’ai une crise de panique, je dors sous le lit au moins une nuit, ce qui fait que je n’ai jamais de mouton sous mon sommier. Cependant, la fierté de ne pas avoir de crasse sous mon lit n’arrivait pas à me faire oublier que j’étais encore dessous à me morfondre pour le crime que j’avais commis. Si Ben ne m’avait jamais aimé, j’aurais pu, assez égoïstement, il est vrai, finir mon deuil et me dire qu’après tout, ce n’était pas si grave. Là, on m’avait dit qu’il était rattrapable, que j’aurais pu le sauver de tout ça et peut-être…
Peut-être.
Je n’ai pas pu dormir. Même si le Louveteau s’était enroulé autour de moi pour me consoler, je n’arrivais pas à fermer les yeux sans voir le visage de Ben perdre toute expression pendant que j’arrachais chaque lambeau de son âme. Si j’avais pu, je me serais étouffé dans ma propre culpabilité mais c’est le problème quand on est un vampire : On a pas vraiment besoin de respirer. On a pas vraiment besoin d’avoir une conscience…
Quelque part, j’aurais préféré être un vrai vampire.