Chapitre 5: Des fois, il faudrait savoir la fermer...
Ils étaient tous là, tous ceux que j’avais pu réunir autour de moi sans que cela puisse gêner qui que ce soit, exception faite d’Azul qui manquait cruellement à sa meute de psychopathes. Mais je n’avais pas très envie de leur rendre et, avouons-le, elle ne se sentait pas non plus très pressée d’y retourner. Mon appartement étant presque toujours dans un bordel monstre, j’avais préféré les réunir dans la salle informatique que je maintenais toujours dans une propreté éclatante et un ordre parfait. Sauf lors de mes soirées/nuits/semaines de jeu intensif. Bon, l’endroit n’était pas très confortable mais ils pouvaient tous s’asseoir correctement sans se prendre une imitation de batarang dans la fesse.
Simon avait répondu en premier puisqu’il vivait à Manhattan avec sa femme, Anna, et Gabriel, le fils des deux précédents, ayant évité de devenir un servant de Chasse. Quand bien même Sigur n’avait pas libéré la famille de ce servage, deux événements auraient rendu le contrat caduc : La Grande Révélation puisque les vampires n’allaient pas officiellement admettre qu’ils entretenaient des lignées entières d’esclaves, et la Transformation de Simon qui l’excluait du monde vampirique et par conséquent, sa famille. C’est moi qui les avais installés à New York, loin de Toulouse, loin de la fièvre de la Cour de la Ville et surtout proche de moi. Anna était devenue professeur de français dans un lycée privé du quartier, quant à Simon, il touchait une rente plus qu’honorable au vu de tout ce qu’il faisait pour moi. Fort heureusement pour nous deux, le travail que je lui confiais différait très peu de celui qu’il avait avant, il avait juste du se refaire un réseau de relations surnaturelles et non surnaturelles pour maintenir son niveau. Je l’aime, mon Simon… Et le fait que sa femme m’invite trois soirs par semaine pour manger sa délicieuse cuisine méridionale n’était que la cerise sur le gâteau.
Allegro est arrivé peu après, en fuite de North Brother Island, l’hôpital psychiatrique récemment rénové pour les surnaturels et… dont il testait régulièrement la sécurité en s’enfuyant pour faire du shopping. Depuis la mort de Sonatine, Allegro n’allait pas bien du tout. L’un des psys de North Brother m’avait dit que le traumatisme avait été tellement important que mon vampire des ombres avait créé une personnalité alternative qui le protégeait. Cette personnalité était blonde, envahissante, particulièrement pénible avec moi et s’appelait Sonatine. Normalement, et d’après le Fenris, j’aurais dû être capable de l’aider et de gommer ce traumatisme. Peine perdue. Soit j’avais une version d’Allegro en tueur froid et sans entrailles, soit j’avais Sonatine avec ses minauderies et ses furieuses envies de shopping. Par contre, ce que je n’arrivais pas à comprendre c’est que, même si au final, notre Sonatine avait une garde-robes des plus conséquentes ( et je le sais parce qu’ils sont chez moi, ces fichus chiffons !) Allegro ne s’habillait qu’en Allegro, Jean taille basse et déchiré, T-shirt noir et bracelets de cuir. L’adolescent rebelle par excellence, même quand Sonatine paradait devant moi en espérant obtenir une remarque sur sa dernière paire de chaussures. C’était au-delà du perturbant et j’essayais de l’ignorer… Comme je l’avais fait pour la vraie Sonatine.
Pour le moment, Allegro était en mode tueur des ombres, assis sur un bureau et attendant les nouvelles et essayant de dépiauter le bracelet en plastique avec son nom et son niveau de dangerosité.
Dom était parti chercher Ash et ils étaient revenus hier. Ash s’était mis en tête de rentrer dans le territoire du Fenris pour voir les Loups s’ébattre dans un environnement naturel mais, lueur d’intelligence dans sa folle entreprise, il ne voulait pas se faire prendre et avait donc passé trois mois à noter les allées et venues des gardes et à chercher une constante. Dom quant à lui, passait son temps à être mon autre loup de confiance et à faire dans les œuvres de charité. Quand j’avais proposé à ces deux-là une pension équivalente à celle de Simon, Ash a dit qu’il donnerait tout à son frère parce qu’il en avait rien à foutre et Dom, lui, donnerait tout à un foyer de sans-abri dont il était l’un des parrains. Plutôt que de faire dans la lenteur administrative, je donnais directement à ce foyer.
Voilà ma petite équipe. C’était peu. Vraiment très peu pour le travail qu’on m’avait confié.
- Quelqu’un veut un café avant que je commence ?
- Accouche, bordel ! S’est mis à crier Ash. J’ai des trucs à faire moi !
Si Dom était un parangon de patience, Ash était tout le contraire. Encore une fois, je me suis demandé s’ils étaient vraiment frères… Ash était blond et affichait un air d’ennui perpétuel, sauf quand il était dans ses recherches de crypto zoologie, Dom était brun et avait perpétuellement le petit sourire qu’on prêtait aux grands saints.
- Bon… Puisque Monsieur Pyro ne veut pas attendre… On m’a confié une mission et je suis incapable de la remplir seul.
- Espionnage ? demanda Simon en sortant de son sac un sachet de cookies fait par sa femme et qu’il comptait faire passer à tout le monde.
- Si seulement…
- Assassinat ? Quelle est la cible ? intervint Allegro d’une voix monocorde.
J’ai soupiré avant de m’asseoir dans mon fauteuil.
- La Bête.
Ils se sont tous regardés avec un soupçon de panique sauf Azul que sa précédente meute n’avait pas dû mettre au courant. C’est pour cela qu’elle tenta de comprendre :
- La… Bête… Comme la bête du Gévaudan ? Ou le Diable ?
- Bête du Gévaudan… et de tant d’autres endroits. A marmonné Ash avant de se tourner vers l’ordinateur à côté de lui de me demander du regard s’il pouvait l’utiliser.
Outre ses pouvoirs pyrokinétiques, Ash était aussi un spécialiste en histoire surnaturelle du point de vue humain. En clair, il avait passé six cent ans à mettre au point sa vengeance et à traquer toutes les histoires surnaturelles, les contes, les légendes, les fictions et même les plus petites histoires et témoignages de doux dingues pour en faire un précis de connaissance sur notre monde. En somme, comment l’humanité nous voit-elle. Étant l’un des rares vieux Révélés à avoir compris le pouvoir de la révolution internet, il s’était amusé à créer une communauté d’échange et de recensement de ces histoires de la Nuit.
C’était la principale raison pour laquelle je le voulais sur cette affaire. Les meutes ne voulaient rien avoir à faire avec la Bête, les vampires la craignaient comme la peste et les Faës avaient appliqué la sentence d’oubli sur elle : Elle n’existait pas pour eux, quand bien même elle avait déjà tué dans leurs rangs.
Après s’être connecté sur son site, Ash reprit :
- On a recensé depuis l’antiquité pas loin de 173 attaques de la Bête. Evidemment, elle a eu plusieurs noms : Gévaudan, Sarlat, Noth… etc.…
- Tu peux rajouter une attaque. Un village en Inde, au nord du Penjab.
- Combien de morts ?
- Soixante-sept.
- Ouh… Petit score pour elle… a marmonné Ash.
- En une nuit. Me suis-je obligé de rajouter.
- OK… Très gros score. Elle avait pas fait ça depuis… (Il fit dérouler sa page pour obtenir une date.) 1894 en Australie.
- Attends… Toutes ces attaques sont de la Bête ? demanda Simon.
Ash s’est retourné en faisant la moue.
- Et bien… On peut penser légitiment que… oui. Cependant, je me base sur ce que les humains ont rapportés depuis des siècles. C’est… parfois des conneries, très souvent mal transcrits avec une bonne dose de mysticisme chrétien nauséabond…
- Eh ! S’est exclamé Dom en filant une taloche à son frère.
- … Mais je peux te garantir ces 173 attaques à… Pfff… 75% ? Même mode opératoire, même style de victimes et surtout, dans aucune de ces attaques elle ne mange ses victimes. Elle se contente de les mettre en pièces ! Oh, parfois, bien sûr, il manque un morceau ou deux mais vu la quantité de morts qu’elle laisse en une attaque, elle ne tue pas pour se nourrir. C’est comme ça qu’on a écarté la Bête du Vivarais de la liste. Lui, il dévorait véritablement ses victimes et ne laissait que la tête.
- Et c’était quoi alors ?
- Un lion solitaire trop vieux et qui avait pété les plombs.
- Ash et moi l’avons tué. Précisa Dom avec une nuance de regret dans le regard.
Je me suis frotté la joue et ait pris l’un des cookies de Simon avant d’arpenter la pièce de long en large.
- Il y a une constante ? Une période où elle attaque d’avantage ? quelque chose qui peut nous aider à la localiser ?
- Que dalle. J’ai essayé pendant des siècles de la traquer, juste pour voir à quoi elle ressemblait. Soit j’arrivais trop tard, soit c’était pas elle. Non, ce qui m’étonne le plus chez elle, c’est sa mobilité. Un jour en France, le suivant en Chine et encore après aux Amériques. Elle ne suit aucun schéma de migration, semble se foutre royalement des mouvements de population et échappe à tout le monde. Cela dit… Elle semble attirée par le Chaos.
- Comment ça ?
- A chaque fois qu’elle attaquait, il y avait dans la région un regain de mécontentement paysan, une révolte nobiliaire, une guerre civile, d’ailleurs, elle a foutu un bordel monstre lors de la guerre civile américaine, voire carrément une guerre mondiale.
- Oh, ça, je le sais… ais-je marmonné en me tapotant le crâne, indiquant que Louveteau était né à ce moment-là.
- Quelle guerre mondiale? a demandé Azul.
- La première.
- Ouais, bizarrement, on a pas de traces d’elle durant la seconde. Ou alors, c’était dans des coins paumés dont on a aucun témoignage.
Simon a fini son cookie avant de prendre la parole.
- Est-ce que tu es en train de nous dire que 173 attaques… c’est une estimation basse ?
- Je pense qu’on a même pas le centième de ses crimes. La Bête est vieille, très vieille. Pour vous donner un exemple, on parle d’elle dans la mythologie égyptienne sous le nom d’Ammout : La dévoreuse des morts. Divinité très populaire au XIVème siècle avant Jésus-Christ… Donc, je pense qu’elle a du faire un sacré dégât à ce moment-là.
Tout le monde a retenu son souffle dans un moment de panique bien légitime, moi compris, comment le Conseil des Grands et le Fenris avait pu m’envoyer moi, hybride dissocié, contre un tel monstre ??
- Tu veux… dire qu’elle a 3400 ans ?
- Au moins. Avant les… témoignages sont assez peu nombreux. Ou intraduisibles. Enfin, ça dépasse mes compétences, mais jusqu’à très récemment mon domaine d’expertise n’attirait que des cinglés. Donc pour trouver quelqu’un qui puisse travailler là-dessus sans divulguer le sale petit secret des loups… Déjà que pas mal de monde de la « Conspiration Mondiale » se demande si la plupart des attaques de bêtes non élucidées à ce jour ne seraient pas l’œuvre de loups garous ou de vampires ou les deux…
- Ouais, c’est sûr que les Grands vont pas aimer… a marmonné Simon. Sigur en premier.
J’ai soupiré. Tout le monde, sauf Azul, m’a gueulé dessus parce qu’ils ne peuvent pas s’empêcher d’avoir un soupçon de terreur quand je soupire et je me suis confondu en excuses parce que même si j’aime Pavlov, pour une fois, je ne voulais tuer personne.
- Bref… Tout ce qu’on a, ce sont des histoires non vérifiés et non vérifiables, aucune piste, aucun pattern de comportement… Et un métamorphe multi millénaire qui va continuer à tuer longtemps si je ne l’arrête pas. J’ai déjà dit aujourd’hui que ma vie était merveilleuse avec une intonation cynique dont j’ai le secret ?
- Trois fois. Ont répondu Simon et Azul en chœur.
- Ah merde déjà… J’ai dépassé le quota.
J’ai pris mon siège et j’ai tapoté le dossier pendant de longues minutes avant d’enchainer :
- Si je vous ai demandé de venir, c’est parce que vous avez tous de quoi retrouver cette saloperie et/ou la détruire. S’il vous plait… Prêtez-moi votre force…
Et… Je sais, vous vous attendez à un vote de confiance en ma faveur avec une musique épique pour montrer nos difficultés puis nos réussites, l’esprit d’équipe à son paroxysme avec moi en fond qui lâche ma petite larme parce que j’ai quand même des supers potes… Oui… oui, aussi…
Mais vous savez vraiment ce que je venais de faire, là ? La plus grande connerie de mon existence : Je venais de créer une meute. La mienne.
Evidemment, ni eux ni moi ne nous en étions rendus compte. Nous avons entamé recherches, prises de contact et théories fumeuses dans une ambiance survolté, surement parce que Ash était tout heureux d’avoir la connaissance adéquate pour la situation et qu’il nous communiquait son enthousiasme. Allegro était plus reservé et continuait à dépiauter son fichu bracelet.
- Tu pourrais l’arracher d’un coup sec, tu sais…
- Non, j’en ai besoin pour y retourner discrètement. A-t-il murmuré alors qu’Azul passait à côté de nous.
- Comment ça se passe là-bas ?
J’avais beau savoir que je n’y étais pour rien et que son internement était nécessaire pour lui et pour ses potentielles victimes, je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir coupable.
- Je n’ai tué personne. Fut sa réponse.
- Tu sais très bien que c’est pas ça que je te demande…
- Aucune évolution sur mes absences.
Car, oui, Allegro n’avait évidemment pas conscience d’héberger une version fausse de Sonatine. Comme il n’avait pas conscience que Sonatine n’était pas toute seule à envahir son crâne… Mais les autres, je ne les avais jamais vu ni entendu.
- Pourquoi tu me demandes ça ? Tu as eu des nouvelles ?
- Justement non ! Tes fichus psys refusent de me dire quoi que ce soit.
- T’as pas idée le nombre de fois où ils me forcent à faire de la thérapie de groupe… Y’a un vampire que je voudrais tuer dans le groupe du samedi mais je me doute que ce sera encore pire après.
- Qu’est-ce qu’il t’a fait ce mec là ?
- Rien. Sa tronche me déplait, c’est tout.
- Bordel, Al…
Je n’ai pas pu m’empêcher de me frapper la tête à pleine main et de faire la moue devant l’absurdité de la raison. Le pire étant sans doute que je sentais son dégout.
- D’accord, je ne le tuerais pas. J’ai pas envie que l’institut me garde encore plus longtemps. Vincent… ? Je veux en partir. Je m’ennuie, là-bas…
- Tu sais très bien que c’est pour te soigner.
- Mais ils n’y arrivent pas ! Ça ne sert strictement à rien. De plus, tu vas avoir besoin de moi pendant un bon moment… Ils t’écouteront si tu leur dis que je vais mieux et que je peux sortir… S’il te plait.
- C’est pas moi qu’ils écouteront, c’est Sigur…
- S’il te plait… ?
S’il y a une chose dont il faut faire attention à propos d’Allegro, c’est quand il vous fait sa mine de chaton triste. Je ne peux pas résister. Cependant, je devais penser au fait de laisser un schizophrène atteint de personnalités multiples se balader dans New York sans aucun suivi médical. Suite à la Grande Révélation, nous étions tous sous le feu des projecteurs et laisser Allegro simplement vivre me filait des sueurs froides. Sigur l’avait collé en asile psychiatrique pour éviter d’avoir à le tuer et… sous ma garde.
- Je vais lui en parler. Je ne te promets rien.
- Ça me suffira pour le moment. Dit-il avec une intonation de voix très joyeuse et un petit sourire qui me fit me demander si Sonatine n’était pas sortie à l’air libre en plein milieu de la conversation, mais il reprit très vite son sérieux : Tu es conscient que la tuer va être un miracle et qu’on est pas assez nombreux ?
- Je comptais un peu sur toi pour trouver une solution, mon grand…
- Si je connaissais ses capacités de combat, même un simple aperçu, je pourrais faire quelque chose… Mais là, tu me demandes de te pondre un plan de bataille contre un tank avec seulement un bâton de soixante centimètres et un citron vert.
Pendant quelques secondes, j’ai maudit mon imagination qui m’a fait voir Allegro armé d’un bâton et d’un citron vert contre un tank avec le générique de Mc Gyver en fond sonore.
- Je crois que je n’ai pas envie de savoir, en fait… ais-je marmonné.
- Dommage, parce que ça a été super drôle.
- Tais-toi… et réfléchis plutôt à mon problème…
- Je veux bien. Mais en aveugle, tu auras juste le bâton et le citron vert. Si je connaissais quelqu’un qui l’a déjà vu combattre… Déjà, ça nous permettrait d’avoir une description et ensuite un plan à peu prés potable.
- Sauf qu’elle ne laisse aucun survivant, cette salope.
- Ça, c’est faux.
Je l’ai regardé alors qu’il levait la main et me tapotait le front. A l’intérieur, Louveteau grondait sa désapprobation. Pour une raison que je ne comprenais pas, mon loup intérieur ne supportait pas que mon assassin me touche.
- Laisses tomber, il ne peut pas s’en souvenir puisqu’il est né juste après son attaque.
- Mais elle a bien dû en laisser quelques uns, sinon aucune lignée n’aurait pu être créée…
- Pas vraiment des lignées… Mais, certains métamorphes estiment faire partie de sa famille.
Manifestement, Simon avait du avoir la même idée que nous puisqu’il approcha après avoir raccroché avec l’Alpha de Londres, Jones.
- Assez peu de meutes se prévalent d’être descendantes de la Bête. Sans doute parce que ce n’est pas vraiment , du moins pour les gens normaux, une ascendance dont on est fiers.
- Comme c’est étonnant…
- Néanmoins, deux meutes au monde se nomment les « Meutes de la Bête ». Depuis très longtemps, sans doute la création des meutes ou la prise de contrôle du Fenris, ces meutes sont indépendantes, tiennent à le rester et ont une tendance singulière à énerver notre vénéré Grand Chef. En clair, s’il nous venait l’idée de foutre le bordel dans ces meutes, le Fenris aura étrangement quelque chose de bien plus intéressant à regarder… Comme un papillon qui s’envole d’une branche. Par exemple.
- Chouette ! Ça signifie qu’on va pouvoir torturer et tuer ! Me suis-je exclamé avec une pointe de colère. Non, sérieusement… On va pas se faire une guerre contre des meutes entières…
- Surtout que je doute que ces meutes soient entièrement composées de fils et filles de la Bête. Intervint Allegro, ayant fini d’enlever son bracelet.
- En effet… Malgré le coté très… comment dire… psychopathe des enfants de la Bête…
- Merci pour moi. N’ais-je pas pu empêcher de marmonner avec un grondement.
- Sauf toi, Boss, bien sur. Bref, malgré ce coté largement répandu mais que Vince ici présent ne partage pas, plusieurs métamorphes se sont mis sous la bannière d’Alphas qui se prétendent être les véritables Fils de la Bête. Hiérarchie simple, l’Alpha, sa garde prétorienne de tarés et le reste, uniquement des soumis… Dont je ne ferais pas vivre la vie à mon pire ennemi.
- Comment ça ? Désolé, mais la politique des meutes m’échappe complètement. Dit Allegro en levant la main.
Plutôt que d’expliquer, Simon appela Dom qui était à coté de son frère.
- Oui ?
- Il nous faudrait un topo sur la Dîme.
Dom leva les yeux au ciel alors que Ash prenait son téléphone et composait un numéro.
- La Dîme… T’as pas plus pénible à me demander ?
- Pour le moment, non. Mais je te rappelle que tu es celui qui sait. Moi je suis un jeune loup.
- Mouais… Bref.
Domenico prit une chaise et s’assit en croisant les jambes.
- Donc, la Dîme… Dans toutes les meutes de Métamorphes, chaque membre doit reverser une somme à son Alpha. Cette somme est généralement sous la barre des 10% des revenus, d’où le nom de Dîme. Cette participation aux frais de la meute peut être donnée en argent, en nature ou en services.
- Et voilà où le bât blesse avec les Meutes de la Bête… Les Alphas exigent des soumis sous leurs ordres 80 à 90% de leurs revenus.
Même Allegro, qui pourtant avait quelques soucis pour ressentir de l’empathie pour qui que ce soit, semblait estomaquée par la proportion de la dîme.
- Normalement, la Dîme a pour seule utilité les coups durs. Si un membre de la meute se retrouve à la rue ou dans une situation financière difficile, une partie de la Dîme lui est reversé, sans intérêts, pour qu’il s’en sorte. L’Alpha est censé faire fructifier cette dîme, par le biais d’un comptable de meute s’il ne sait pas le faire lui-même. D’ailleurs, faudra que tu prennes un comptable, Boss…
Je l’ai regardé avec surprise en me demandant de quoi il parlait.
- Et bien, oui. Vu tout ce que tu possèdes, il serait peut-être temps que tu investisses dans un cabinet comptable si tu ne veux pas te faire sucer jusqu’à la moelle par le fisc.
- Ouais, j’y songerais un jour. Les meutes de la Bête, s’il te plait ? et comment tu sais tout ça ?
- Comment Jones sait tout ça, en fait… Il y a dix-huit ans, il a récupéré une soumise qui venait de là-bas.
Azul s’était approchée, la mine inquiète comme si tout ça lui rappelait étrangement quelque chose. Et malheureusement, elle avait raison.
- Où sont ces meutes ? Ais-je demandé à mi-voix.
- L’une est en Sibérie, plutôt nomade, on arrive pas à la tracer efficacement, l’autre… (Simon a regardé Azul avec inquiétude.) L’autre est stationnée à la Nouvelle Orléans.
Simon avait répondu en premier puisqu’il vivait à Manhattan avec sa femme, Anna, et Gabriel, le fils des deux précédents, ayant évité de devenir un servant de Chasse. Quand bien même Sigur n’avait pas libéré la famille de ce servage, deux événements auraient rendu le contrat caduc : La Grande Révélation puisque les vampires n’allaient pas officiellement admettre qu’ils entretenaient des lignées entières d’esclaves, et la Transformation de Simon qui l’excluait du monde vampirique et par conséquent, sa famille. C’est moi qui les avais installés à New York, loin de Toulouse, loin de la fièvre de la Cour de la Ville et surtout proche de moi. Anna était devenue professeur de français dans un lycée privé du quartier, quant à Simon, il touchait une rente plus qu’honorable au vu de tout ce qu’il faisait pour moi. Fort heureusement pour nous deux, le travail que je lui confiais différait très peu de celui qu’il avait avant, il avait juste du se refaire un réseau de relations surnaturelles et non surnaturelles pour maintenir son niveau. Je l’aime, mon Simon… Et le fait que sa femme m’invite trois soirs par semaine pour manger sa délicieuse cuisine méridionale n’était que la cerise sur le gâteau.
Allegro est arrivé peu après, en fuite de North Brother Island, l’hôpital psychiatrique récemment rénové pour les surnaturels et… dont il testait régulièrement la sécurité en s’enfuyant pour faire du shopping. Depuis la mort de Sonatine, Allegro n’allait pas bien du tout. L’un des psys de North Brother m’avait dit que le traumatisme avait été tellement important que mon vampire des ombres avait créé une personnalité alternative qui le protégeait. Cette personnalité était blonde, envahissante, particulièrement pénible avec moi et s’appelait Sonatine. Normalement, et d’après le Fenris, j’aurais dû être capable de l’aider et de gommer ce traumatisme. Peine perdue. Soit j’avais une version d’Allegro en tueur froid et sans entrailles, soit j’avais Sonatine avec ses minauderies et ses furieuses envies de shopping. Par contre, ce que je n’arrivais pas à comprendre c’est que, même si au final, notre Sonatine avait une garde-robes des plus conséquentes ( et je le sais parce qu’ils sont chez moi, ces fichus chiffons !) Allegro ne s’habillait qu’en Allegro, Jean taille basse et déchiré, T-shirt noir et bracelets de cuir. L’adolescent rebelle par excellence, même quand Sonatine paradait devant moi en espérant obtenir une remarque sur sa dernière paire de chaussures. C’était au-delà du perturbant et j’essayais de l’ignorer… Comme je l’avais fait pour la vraie Sonatine.
Pour le moment, Allegro était en mode tueur des ombres, assis sur un bureau et attendant les nouvelles et essayant de dépiauter le bracelet en plastique avec son nom et son niveau de dangerosité.
Dom était parti chercher Ash et ils étaient revenus hier. Ash s’était mis en tête de rentrer dans le territoire du Fenris pour voir les Loups s’ébattre dans un environnement naturel mais, lueur d’intelligence dans sa folle entreprise, il ne voulait pas se faire prendre et avait donc passé trois mois à noter les allées et venues des gardes et à chercher une constante. Dom quant à lui, passait son temps à être mon autre loup de confiance et à faire dans les œuvres de charité. Quand j’avais proposé à ces deux-là une pension équivalente à celle de Simon, Ash a dit qu’il donnerait tout à son frère parce qu’il en avait rien à foutre et Dom, lui, donnerait tout à un foyer de sans-abri dont il était l’un des parrains. Plutôt que de faire dans la lenteur administrative, je donnais directement à ce foyer.
Voilà ma petite équipe. C’était peu. Vraiment très peu pour le travail qu’on m’avait confié.
- Quelqu’un veut un café avant que je commence ?
- Accouche, bordel ! S’est mis à crier Ash. J’ai des trucs à faire moi !
Si Dom était un parangon de patience, Ash était tout le contraire. Encore une fois, je me suis demandé s’ils étaient vraiment frères… Ash était blond et affichait un air d’ennui perpétuel, sauf quand il était dans ses recherches de crypto zoologie, Dom était brun et avait perpétuellement le petit sourire qu’on prêtait aux grands saints.
- Bon… Puisque Monsieur Pyro ne veut pas attendre… On m’a confié une mission et je suis incapable de la remplir seul.
- Espionnage ? demanda Simon en sortant de son sac un sachet de cookies fait par sa femme et qu’il comptait faire passer à tout le monde.
- Si seulement…
- Assassinat ? Quelle est la cible ? intervint Allegro d’une voix monocorde.
J’ai soupiré avant de m’asseoir dans mon fauteuil.
- La Bête.
Ils se sont tous regardés avec un soupçon de panique sauf Azul que sa précédente meute n’avait pas dû mettre au courant. C’est pour cela qu’elle tenta de comprendre :
- La… Bête… Comme la bête du Gévaudan ? Ou le Diable ?
- Bête du Gévaudan… et de tant d’autres endroits. A marmonné Ash avant de se tourner vers l’ordinateur à côté de lui de me demander du regard s’il pouvait l’utiliser.
Outre ses pouvoirs pyrokinétiques, Ash était aussi un spécialiste en histoire surnaturelle du point de vue humain. En clair, il avait passé six cent ans à mettre au point sa vengeance et à traquer toutes les histoires surnaturelles, les contes, les légendes, les fictions et même les plus petites histoires et témoignages de doux dingues pour en faire un précis de connaissance sur notre monde. En somme, comment l’humanité nous voit-elle. Étant l’un des rares vieux Révélés à avoir compris le pouvoir de la révolution internet, il s’était amusé à créer une communauté d’échange et de recensement de ces histoires de la Nuit.
C’était la principale raison pour laquelle je le voulais sur cette affaire. Les meutes ne voulaient rien avoir à faire avec la Bête, les vampires la craignaient comme la peste et les Faës avaient appliqué la sentence d’oubli sur elle : Elle n’existait pas pour eux, quand bien même elle avait déjà tué dans leurs rangs.
Après s’être connecté sur son site, Ash reprit :
- On a recensé depuis l’antiquité pas loin de 173 attaques de la Bête. Evidemment, elle a eu plusieurs noms : Gévaudan, Sarlat, Noth… etc.…
- Tu peux rajouter une attaque. Un village en Inde, au nord du Penjab.
- Combien de morts ?
- Soixante-sept.
- Ouh… Petit score pour elle… a marmonné Ash.
- En une nuit. Me suis-je obligé de rajouter.
- OK… Très gros score. Elle avait pas fait ça depuis… (Il fit dérouler sa page pour obtenir une date.) 1894 en Australie.
- Attends… Toutes ces attaques sont de la Bête ? demanda Simon.
Ash s’est retourné en faisant la moue.
- Et bien… On peut penser légitiment que… oui. Cependant, je me base sur ce que les humains ont rapportés depuis des siècles. C’est… parfois des conneries, très souvent mal transcrits avec une bonne dose de mysticisme chrétien nauséabond…
- Eh ! S’est exclamé Dom en filant une taloche à son frère.
- … Mais je peux te garantir ces 173 attaques à… Pfff… 75% ? Même mode opératoire, même style de victimes et surtout, dans aucune de ces attaques elle ne mange ses victimes. Elle se contente de les mettre en pièces ! Oh, parfois, bien sûr, il manque un morceau ou deux mais vu la quantité de morts qu’elle laisse en une attaque, elle ne tue pas pour se nourrir. C’est comme ça qu’on a écarté la Bête du Vivarais de la liste. Lui, il dévorait véritablement ses victimes et ne laissait que la tête.
- Et c’était quoi alors ?
- Un lion solitaire trop vieux et qui avait pété les plombs.
- Ash et moi l’avons tué. Précisa Dom avec une nuance de regret dans le regard.
Je me suis frotté la joue et ait pris l’un des cookies de Simon avant d’arpenter la pièce de long en large.
- Il y a une constante ? Une période où elle attaque d’avantage ? quelque chose qui peut nous aider à la localiser ?
- Que dalle. J’ai essayé pendant des siècles de la traquer, juste pour voir à quoi elle ressemblait. Soit j’arrivais trop tard, soit c’était pas elle. Non, ce qui m’étonne le plus chez elle, c’est sa mobilité. Un jour en France, le suivant en Chine et encore après aux Amériques. Elle ne suit aucun schéma de migration, semble se foutre royalement des mouvements de population et échappe à tout le monde. Cela dit… Elle semble attirée par le Chaos.
- Comment ça ?
- A chaque fois qu’elle attaquait, il y avait dans la région un regain de mécontentement paysan, une révolte nobiliaire, une guerre civile, d’ailleurs, elle a foutu un bordel monstre lors de la guerre civile américaine, voire carrément une guerre mondiale.
- Oh, ça, je le sais… ais-je marmonné en me tapotant le crâne, indiquant que Louveteau était né à ce moment-là.
- Quelle guerre mondiale? a demandé Azul.
- La première.
- Ouais, bizarrement, on a pas de traces d’elle durant la seconde. Ou alors, c’était dans des coins paumés dont on a aucun témoignage.
Simon a fini son cookie avant de prendre la parole.
- Est-ce que tu es en train de nous dire que 173 attaques… c’est une estimation basse ?
- Je pense qu’on a même pas le centième de ses crimes. La Bête est vieille, très vieille. Pour vous donner un exemple, on parle d’elle dans la mythologie égyptienne sous le nom d’Ammout : La dévoreuse des morts. Divinité très populaire au XIVème siècle avant Jésus-Christ… Donc, je pense qu’elle a du faire un sacré dégât à ce moment-là.
Tout le monde a retenu son souffle dans un moment de panique bien légitime, moi compris, comment le Conseil des Grands et le Fenris avait pu m’envoyer moi, hybride dissocié, contre un tel monstre ??
- Tu veux… dire qu’elle a 3400 ans ?
- Au moins. Avant les… témoignages sont assez peu nombreux. Ou intraduisibles. Enfin, ça dépasse mes compétences, mais jusqu’à très récemment mon domaine d’expertise n’attirait que des cinglés. Donc pour trouver quelqu’un qui puisse travailler là-dessus sans divulguer le sale petit secret des loups… Déjà que pas mal de monde de la « Conspiration Mondiale » se demande si la plupart des attaques de bêtes non élucidées à ce jour ne seraient pas l’œuvre de loups garous ou de vampires ou les deux…
- Ouais, c’est sûr que les Grands vont pas aimer… a marmonné Simon. Sigur en premier.
J’ai soupiré. Tout le monde, sauf Azul, m’a gueulé dessus parce qu’ils ne peuvent pas s’empêcher d’avoir un soupçon de terreur quand je soupire et je me suis confondu en excuses parce que même si j’aime Pavlov, pour une fois, je ne voulais tuer personne.
- Bref… Tout ce qu’on a, ce sont des histoires non vérifiés et non vérifiables, aucune piste, aucun pattern de comportement… Et un métamorphe multi millénaire qui va continuer à tuer longtemps si je ne l’arrête pas. J’ai déjà dit aujourd’hui que ma vie était merveilleuse avec une intonation cynique dont j’ai le secret ?
- Trois fois. Ont répondu Simon et Azul en chœur.
- Ah merde déjà… J’ai dépassé le quota.
J’ai pris mon siège et j’ai tapoté le dossier pendant de longues minutes avant d’enchainer :
- Si je vous ai demandé de venir, c’est parce que vous avez tous de quoi retrouver cette saloperie et/ou la détruire. S’il vous plait… Prêtez-moi votre force…
Et… Je sais, vous vous attendez à un vote de confiance en ma faveur avec une musique épique pour montrer nos difficultés puis nos réussites, l’esprit d’équipe à son paroxysme avec moi en fond qui lâche ma petite larme parce que j’ai quand même des supers potes… Oui… oui, aussi…
Mais vous savez vraiment ce que je venais de faire, là ? La plus grande connerie de mon existence : Je venais de créer une meute. La mienne.
Evidemment, ni eux ni moi ne nous en étions rendus compte. Nous avons entamé recherches, prises de contact et théories fumeuses dans une ambiance survolté, surement parce que Ash était tout heureux d’avoir la connaissance adéquate pour la situation et qu’il nous communiquait son enthousiasme. Allegro était plus reservé et continuait à dépiauter son fichu bracelet.
- Tu pourrais l’arracher d’un coup sec, tu sais…
- Non, j’en ai besoin pour y retourner discrètement. A-t-il murmuré alors qu’Azul passait à côté de nous.
- Comment ça se passe là-bas ?
J’avais beau savoir que je n’y étais pour rien et que son internement était nécessaire pour lui et pour ses potentielles victimes, je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir coupable.
- Je n’ai tué personne. Fut sa réponse.
- Tu sais très bien que c’est pas ça que je te demande…
- Aucune évolution sur mes absences.
Car, oui, Allegro n’avait évidemment pas conscience d’héberger une version fausse de Sonatine. Comme il n’avait pas conscience que Sonatine n’était pas toute seule à envahir son crâne… Mais les autres, je ne les avais jamais vu ni entendu.
- Pourquoi tu me demandes ça ? Tu as eu des nouvelles ?
- Justement non ! Tes fichus psys refusent de me dire quoi que ce soit.
- T’as pas idée le nombre de fois où ils me forcent à faire de la thérapie de groupe… Y’a un vampire que je voudrais tuer dans le groupe du samedi mais je me doute que ce sera encore pire après.
- Qu’est-ce qu’il t’a fait ce mec là ?
- Rien. Sa tronche me déplait, c’est tout.
- Bordel, Al…
Je n’ai pas pu m’empêcher de me frapper la tête à pleine main et de faire la moue devant l’absurdité de la raison. Le pire étant sans doute que je sentais son dégout.
- D’accord, je ne le tuerais pas. J’ai pas envie que l’institut me garde encore plus longtemps. Vincent… ? Je veux en partir. Je m’ennuie, là-bas…
- Tu sais très bien que c’est pour te soigner.
- Mais ils n’y arrivent pas ! Ça ne sert strictement à rien. De plus, tu vas avoir besoin de moi pendant un bon moment… Ils t’écouteront si tu leur dis que je vais mieux et que je peux sortir… S’il te plait.
- C’est pas moi qu’ils écouteront, c’est Sigur…
- S’il te plait… ?
S’il y a une chose dont il faut faire attention à propos d’Allegro, c’est quand il vous fait sa mine de chaton triste. Je ne peux pas résister. Cependant, je devais penser au fait de laisser un schizophrène atteint de personnalités multiples se balader dans New York sans aucun suivi médical. Suite à la Grande Révélation, nous étions tous sous le feu des projecteurs et laisser Allegro simplement vivre me filait des sueurs froides. Sigur l’avait collé en asile psychiatrique pour éviter d’avoir à le tuer et… sous ma garde.
- Je vais lui en parler. Je ne te promets rien.
- Ça me suffira pour le moment. Dit-il avec une intonation de voix très joyeuse et un petit sourire qui me fit me demander si Sonatine n’était pas sortie à l’air libre en plein milieu de la conversation, mais il reprit très vite son sérieux : Tu es conscient que la tuer va être un miracle et qu’on est pas assez nombreux ?
- Je comptais un peu sur toi pour trouver une solution, mon grand…
- Si je connaissais ses capacités de combat, même un simple aperçu, je pourrais faire quelque chose… Mais là, tu me demandes de te pondre un plan de bataille contre un tank avec seulement un bâton de soixante centimètres et un citron vert.
Pendant quelques secondes, j’ai maudit mon imagination qui m’a fait voir Allegro armé d’un bâton et d’un citron vert contre un tank avec le générique de Mc Gyver en fond sonore.
- Je crois que je n’ai pas envie de savoir, en fait… ais-je marmonné.
- Dommage, parce que ça a été super drôle.
- Tais-toi… et réfléchis plutôt à mon problème…
- Je veux bien. Mais en aveugle, tu auras juste le bâton et le citron vert. Si je connaissais quelqu’un qui l’a déjà vu combattre… Déjà, ça nous permettrait d’avoir une description et ensuite un plan à peu prés potable.
- Sauf qu’elle ne laisse aucun survivant, cette salope.
- Ça, c’est faux.
Je l’ai regardé alors qu’il levait la main et me tapotait le front. A l’intérieur, Louveteau grondait sa désapprobation. Pour une raison que je ne comprenais pas, mon loup intérieur ne supportait pas que mon assassin me touche.
- Laisses tomber, il ne peut pas s’en souvenir puisqu’il est né juste après son attaque.
- Mais elle a bien dû en laisser quelques uns, sinon aucune lignée n’aurait pu être créée…
- Pas vraiment des lignées… Mais, certains métamorphes estiment faire partie de sa famille.
Manifestement, Simon avait du avoir la même idée que nous puisqu’il approcha après avoir raccroché avec l’Alpha de Londres, Jones.
- Assez peu de meutes se prévalent d’être descendantes de la Bête. Sans doute parce que ce n’est pas vraiment , du moins pour les gens normaux, une ascendance dont on est fiers.
- Comme c’est étonnant…
- Néanmoins, deux meutes au monde se nomment les « Meutes de la Bête ». Depuis très longtemps, sans doute la création des meutes ou la prise de contrôle du Fenris, ces meutes sont indépendantes, tiennent à le rester et ont une tendance singulière à énerver notre vénéré Grand Chef. En clair, s’il nous venait l’idée de foutre le bordel dans ces meutes, le Fenris aura étrangement quelque chose de bien plus intéressant à regarder… Comme un papillon qui s’envole d’une branche. Par exemple.
- Chouette ! Ça signifie qu’on va pouvoir torturer et tuer ! Me suis-je exclamé avec une pointe de colère. Non, sérieusement… On va pas se faire une guerre contre des meutes entières…
- Surtout que je doute que ces meutes soient entièrement composées de fils et filles de la Bête. Intervint Allegro, ayant fini d’enlever son bracelet.
- En effet… Malgré le coté très… comment dire… psychopathe des enfants de la Bête…
- Merci pour moi. N’ais-je pas pu empêcher de marmonner avec un grondement.
- Sauf toi, Boss, bien sur. Bref, malgré ce coté largement répandu mais que Vince ici présent ne partage pas, plusieurs métamorphes se sont mis sous la bannière d’Alphas qui se prétendent être les véritables Fils de la Bête. Hiérarchie simple, l’Alpha, sa garde prétorienne de tarés et le reste, uniquement des soumis… Dont je ne ferais pas vivre la vie à mon pire ennemi.
- Comment ça ? Désolé, mais la politique des meutes m’échappe complètement. Dit Allegro en levant la main.
Plutôt que d’expliquer, Simon appela Dom qui était à coté de son frère.
- Oui ?
- Il nous faudrait un topo sur la Dîme.
Dom leva les yeux au ciel alors que Ash prenait son téléphone et composait un numéro.
- La Dîme… T’as pas plus pénible à me demander ?
- Pour le moment, non. Mais je te rappelle que tu es celui qui sait. Moi je suis un jeune loup.
- Mouais… Bref.
Domenico prit une chaise et s’assit en croisant les jambes.
- Donc, la Dîme… Dans toutes les meutes de Métamorphes, chaque membre doit reverser une somme à son Alpha. Cette somme est généralement sous la barre des 10% des revenus, d’où le nom de Dîme. Cette participation aux frais de la meute peut être donnée en argent, en nature ou en services.
- Et voilà où le bât blesse avec les Meutes de la Bête… Les Alphas exigent des soumis sous leurs ordres 80 à 90% de leurs revenus.
Même Allegro, qui pourtant avait quelques soucis pour ressentir de l’empathie pour qui que ce soit, semblait estomaquée par la proportion de la dîme.
- Normalement, la Dîme a pour seule utilité les coups durs. Si un membre de la meute se retrouve à la rue ou dans une situation financière difficile, une partie de la Dîme lui est reversé, sans intérêts, pour qu’il s’en sorte. L’Alpha est censé faire fructifier cette dîme, par le biais d’un comptable de meute s’il ne sait pas le faire lui-même. D’ailleurs, faudra que tu prennes un comptable, Boss…
Je l’ai regardé avec surprise en me demandant de quoi il parlait.
- Et bien, oui. Vu tout ce que tu possèdes, il serait peut-être temps que tu investisses dans un cabinet comptable si tu ne veux pas te faire sucer jusqu’à la moelle par le fisc.
- Ouais, j’y songerais un jour. Les meutes de la Bête, s’il te plait ? et comment tu sais tout ça ?
- Comment Jones sait tout ça, en fait… Il y a dix-huit ans, il a récupéré une soumise qui venait de là-bas.
Azul s’était approchée, la mine inquiète comme si tout ça lui rappelait étrangement quelque chose. Et malheureusement, elle avait raison.
- Où sont ces meutes ? Ais-je demandé à mi-voix.
- L’une est en Sibérie, plutôt nomade, on arrive pas à la tracer efficacement, l’autre… (Simon a regardé Azul avec inquiétude.) L’autre est stationnée à la Nouvelle Orléans.