Chapitre 4
S’il avait pu, il serait allé encore plus loin, mais c’est le problème de posséder une voiture d’occasion qu’on n’entretenait pas : en cas d’urgences, la voiture était en panne. Néanmoins, Van Cortland Park était largement suffisant pour ses courses et c’était tant mieux parce qu’il n’osait plus mettre un pied à Central Park depuis la Grande Révélation. On disait que des loups-garous en forme animale avaient été aperçus dans le parc, la nuit, et s’il y avait bien une créature qu’il ne voulait vraiment pas croiser, c’était bien un métamorphe.
Il fallait qu’il se vide la tête, désespérément. Il ne voulait pas penser aux événements de la veille, mais il savait pertinemment que son subconscient ne le laisserait pas tranquille une minute tant qu’il n’aurait pas tout digéré. C’était le problème d’être comme lui, malgré sa carapace de bonne humeur et de folie douce, il était et resterait toujours un éternel inquiet. La dernière inquiétude sérieuse, qu’il ne pouvait pas jeter par-dessus son épaule en se disant que ça ne le concernait pas, était rousse aux yeux verts et avait un sacré talent culinaire… Et il était gay.
Achevant son premier tour du parc, il s’allongea dans l’herbe et commença une série d’abdominaux.
Tray n’avait rien contre les homosexuels. Rien du tout. S’ils étaient contents comme ça, grand bien leur fasse ! Ce n’était certainement pas lui qui allait leur jeter la pierre et encore moins leur faire la leçon sur leur mode de vie. Peut-être avait-il déjà été la cible de l’intérêt de l’un d’eux, mais il ne parvenait pas à s’en souvenir : Sans doute n’avait-il même pas compris leurs intentions. Et encore cette fois-ci, il avait fallu que Dulls lui ouvre les yeux en pointant du doigt les petits plats cuisinés qui lui avaient été offerts. Fichu Dulls ! Sans lui, il aurait pu continuer encore longtemps à ignorer la réalité et à déguster de la bonne nourriture familiale comme il n’en avait plus mangé depuis qu’il avait déménagé de la maison parentale. Dulls, comme tous ses collègues de la caserne, lui disait souvent que son innocence était telle qu’il se ferait avoir par le premier escroc venu. Ça, non… Tray savait très bien démêler le mensonge de la vérité et dès qu’on avait une intention malhonnête à son égard, il y mettait le holà. La question était donc : était-il en train de perdre son radar à mauvaises intentions ou bien Dan Maslov n’en avait-il aucune à son égard ? Au vu de son expérience, ce serait sans doute la deuxième réponse. De plus, l’homme brun aperçu la veille devait forcément être le petit ami en titre et il devait vouloir garder Maslov longtemps.
À l’évocation de l’homme qui accompagnait Maslov, Tray se sentit mal à l’aise, sans comprendre véritablement pourquoi. Bon… Si Tray avait été gay, lui aussi il aurait trouvé cet homme assez chouette, surtout qu’il avait un visage très expressif et qu’il avait ce côté un peu canaille… un peu Ferris Bueller, ce qui était un compliment quand on savait que c’était le personnage de film préféré du pompier. Donc, se dit-il en se redressant et en entamant le second tour du parc, Maslov avait déjà quelqu’un de très bien dans sa vie et n’avait pas besoin de lui, Tray, pour lui réchauffer ses draps. Voilà, affaire réglée !
Sauf que… , Tray fit un sprint pour échapper à cette idée, mais elle le poursuivit sur cinq cent mètres. Sauf que Maslov pouvait très bien être l’équivalent d’un homme à femmes dans le monde gay, pour ce qu’il en savait ! Un homme à hommes ? Bref, Maslov ne se vantait pas de ses exploits en matière de conquêtes, pas comme Vargas qui se faisait un malin plaisir à leur détailler le nombre de « poulettes » qu’il levait par week-end. Dan Maslov ne le faisait pas, mais c’était peut-être à cause de son homosexualité et qu’il pensait que ce ne serait pas bien prit au sein de la caserne. Après tout, pourquoi pas ? Même si, en apparence, les préférences sexuelles des uns et des autres étaient mieux acceptées qu’une vingtaine d’années auparavant, il restait l’inévitable « Ne demandez rien, n’en parlez pas »[1] particulièrement dans les corps de métier à dominante masculine.
Dont les pompiers et, fatalement, le centre de secours de Woodhull. Ce qui expliquait surement l’attitude réservée et la volonté de faire sa place le plus vite possible de l’urgentiste. Cependant, il restait les petits plats dont il devait recevoir la seconde livraison dès le lendemain, ce qui le terrifiait autant que ça lui faisait plaisir. Comment diable allait-il réussir à faire face à Dan après ce qu’il avait vu l’avant-veille ? Est-ce que celui-ci souhaitait qu’on en parle pas du tout ou alors devait-il lui expliquer, en privé bien sûr et de préférence hors de portée des oreilles de Dulls, que non, merci, c’est gentil, mais…
Mais quoi au juste ? Cela faisait depuis le lycée que Tray ne s’était pas interrogé sur sa propre sexualité. Sans doute parce que la question ne s’était plus posée une fois qu’il avait mis en couple environ six mois avant la fin du lycée. Problème réglé, le reste n’a plus d’importance. Sauf qu’il traversait à ce niveau et au niveau sentimental une traversée du désert qui pouvait en étonner plus d’un. Dulls lui avait déjà proposé de lui faire rencontrer des amies de sa femme, Vargas voulait le trainer en boite, etc.… Comme si la vie sexuelle du Canari avait la moindre importance pour eux ! Ça aussi, c’était complètement incompréhensible. Tray ne s’en plaignait pas et ne s’en ouvrait à personne alors pourquoi, au nom du ciel, pensaient-ils tous qu’une femme dans sa vie lui ferait du bien. Parce qu’il était bordélique et incapable de faire autre chose en cuisine que de réchauffer ses plats ? Possible… Parce qu’ils craignaient que Tray soit gay lui aussi et qu’ils ne souhaitaient pas devenir ses proies ? Possible aussi… Il se rappelait les insultes qui avaient fusé dans les vestiaires de son équipe de basket au lycée quand l’un d’eux avait été soupçonné de préférer les garçons, il se rappelait que Mike avait été ignoré soigneusement dès qu’il rentrait quelque part, alors qu’il avait été un membre à part entière de la bande et il se rappelait surtout que Mike en avait eu marre et avait avalé une bouteille entière de vodka et s’était jeté sous un train. Le capitaine de l’équipe n’avait rien trouvé de mieux à dire que c’était mieux comme ça et qu’il y avait un pédé de moins sur terre.
Et, comme tous les autres, Tray n’avait pas bougé. Il n’avait rien fait du tout. Une semaine plus tard, il s’était foulé la cheville lors d’un match et s’était enfin autorisé à porter le deuil de Mike, tout seul dans sa chambre alors que tous pensaient qu’il déprimait à l’idée de manquer le dernier match de la saison. C’est à partir de ce moment-là que sa carapace avait commencé à le couvrir et que Tray avait fait en sorte que personne ne sache réellement ce qu’il avait en tête. Pas même Lina, pas même son meilleur ami, personne. La carapace avait fini par le recouvrir entièrement quand il avait dû fuir sa ville natale et chaque couche correspondait à toutes les fuites qu’il avait dû orchestrer depuis lors.
Mais Dan Maslov était toujours gay même après avoir grandement digressé sur le passé. L’idée le rattrapa encore une fois alors qu’il piquait un second sprint. Alors que faire ? L’heure en était maintenant à la décision puisqu’on commençait à le remarquer dans le parc et qu’il ne souhaitait pas s’attarder davantage. Vu que l’urgentiste avait déjà un petit ami, mignon en plus, il était logique de penser qu’il ne songeait pas à Tray en tant que possible amant, mais juste comme ami. Après tout, il avait fait en sorte que le pompier se sente mieux et se nourrisse bien, non ? C’était sans doute juste une manière de proposer son amitié tout en restant en accord avec sa sacro-sainte ligne de conduite nutritionnelle. Voilà, ce n’était que ça. Dan devait juste se rapprocher de lui en raison de leur nature à tous les deux : les derniers arrivés dans la caserne.
Donc… Refuser son amitié ? L’ignorer ? Ou au contraire l’accepter pleinement pour montrer aux autres qui risquaient d’être pénibles que oui, on pouvait être ami avec un gay sans pour autant coucher avec ? Sans doute la troisième solution. Si Tray supportait mal les conflits et le fait d’être simplement ignoré, l’idée même de refuser de soutenir Dan, qui l’avait nourri, était encore plus insupportable. Dan lui avait offert son amitié, il lui rendrait et au centuple. C’était une solution simple et qui lui correspondait parfaitement.
Une petite voix moqueuse dans sa tête lui rappela que même s’il avait tout planifié dans son monde rose bonbon, tout risquait de gentiment lui sauter à la figure et la petite voix conclut par un nom qui fit voir rouge au pompier. Tray se précipita vers un arbre et s’assit en se recroquevillant sur lui-même pour que la crise passe et qu’il puisse décrisper les poings. Inspirer, expirer… Inspirer, expirer … faire rouler sa nuque, recommencer depuis le début. Garder les yeux fermés, ne pas répondre si on te parle… Inspirer, expirer… Laisser la colère s’éteindre et la jeter derrière soi.
Oui, Tray serait l’ami de Dan. Oui, il l’aiderait. Mais dès que Dan se rapprocherait trop, il ferait ce qu’il avait toujours fait dans ces cas-là : Fuir très loin.
- Chéri, un dieu vient de nous mater avant de s’enfuir en courant, une ancienne conquête ?
Dan releva la tête de sa bière pour regarder Bobby. Les bars ce n’était pas son gros délire, mais son ami avait tenu à le trainer afin de draguer avant de reprendre l’avion le lendemain et sans doute cherchait-il à ce que le roux ne finisse pas sa nuit seul. Dan ne se souvenait pas la dernière fois qu’il avait ramené quelqu’un chez lui ou le contraire, ça lui était arrivé, mais voir de temps en temps Bobby lui suffisait à relâcher la pression le plus souvent.
- Description ? demanda Dan en se préparant à aller chercher une autre tournée.
- Blond, la vingtaine passé, des épaules de quaterback, et des fossettes superbes et je parle de celle du visage pour une fois.
Dan chercha dans ses souvenirs, la dernière fois qu’il s’était fait un blond, et ça datait. Il s’agissait du mécano et meilleur pote de son frère, avant même qu’il ait emménagé à New York. En faisant la liste mentale de ses conquêtes, il se rendit compte qu’il avait un sérieux problème avec les hommes bruns, plutôt grands et un look assez viril. Le seul blond qu’il côtoyait était…
- Oh merde, s’exclama-t-il, ça doit être Tray.
- Le Tray, le pompier, oh mon dieu, l’affamé ! Sérieusement il peut me manger quand il veut. Et tu peux le mater tous les jours dans la douche, putain j’en suis tout serré.
- Et il est hétéro, donc il te mangera pas, mais tu t’en remettras, je te le promets. Par contre, ça m’emmerde, si c’est vraiment Tray.
- Je vois pas pourquoi, au moins plus besoin de faire de coming out au boulot.
- J’avais pas l’intention d’en faire un, Bobby…
Le lendemain, Dan accompagna Bobby à l’aéroport, et retrouva sa routine solitaire. Le départ de son ami le laissait quelque peu déprimé, il aimait vivre seul, mais malgré tout la solitude lui pesait. Il avait aimé vivre en colocation, lorsqu’il voulait être seul, il s’enfermait dans sa caverne comme il appelait sa chambre et au contraire, il allait dans le salon dès qu’il avait besoin de compagnie. Bobby étant un animal plus que social, il n’était pas rare de voir ses amis trainer à la maison, pour un apéro ou juste un café. Contrairement à lui, le brun engageait facilement la conversation et attirait les gens avec son caractère joyeux. Beaucoup de leurs amis se demandaient alors comment deux caractères que tout opposait pouvaient s’entendre aussi bien. Est-ce qu’il regrettait de ne pas avoir refait une colocation après le départ de Bobby ? Oui et non. Oui, pour le fait de ne pas vivre totalement seul, non, car il était fier de l’endroit où il vivait. Il avait tout conçu pour que son usine réponde au moindre de ses besoins, plaisirs. Mais d’avoir eu Bobby chez lui pendant une semaine lui renvoyait sa solitude en pleine face. Dan secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées et se demanda ce qu’il pourrait bien faire le reste du weekend à part bien sûr préparer les repas du pompier. En parlant du pompier, il se demanda comment il allait gérer l’épisode de la veille, s’il s’agissait de bien de Tray, bien sûr. Il était hors de question que son homosexualité devienne le sujet numéro un des ragots de la salle commune, il avait déjà été assez énervé de voir son passé de pilote faire surface. Il avait pour une fois un moyen d’éteindre les braises avant que le feu ne prenne. Il ferma la grille pour emprunter le monte-charge qui l’emmènerait au rez-de-chaussée où se trouvait son atelier.
Il souleva la bâche qui couvrait la Honda CBR 600 qu’il retapait. Il l’avait récupérée dans une casse du Queens pour une bouchée de pain. Bon, on pouvait dire qu’elle payait pas de mine après sa rencontre avec un camion poubelle, mais après quelques mois passés dessus, elle recommençait à avoir fière allure. Il ne lui manquait que son habillage extérieur, il avait appelé les quelques contacts qu’il possédait encore pour qu’on lui en trouve un d’origine et il avait reçu l’appel tant attendu quelque jours plus tôt. On lui envoyé un colis chez son garagiste habituel. Mais avant de revêtir sa beauté de sa nouvelle robe, il devait encore travailler sur le moteur et la transmission. Bricoler ses motos lui permettait d’ordonner ses pensées, et encore aujourd’hui, il ne comprenait pas que tant de pilotes soient incapables de s’occuper par eux-mêmes de leurs bécanes, laissant la responsabilité aux équipes mécanos. Dan et Dorian quant à eux, étaient capables de remonter un moteur les yeux fermés, leur père leur ayant appris lors de leurs rares moments de liberté à coup de clef de 12 dans la face. Ne croyez pas que Daisy y avait échappé, dans la famille Maslov, garçon ou fille, on baignait dans l’huile de moteur dès la naissance. Mais contrairement à ses frères, Daisy n’avait pas appris ce qu’elle savait de leur père, mais de Dorian, de 5 ans son ainé. Le jeune homme de 17 ans avait pris sur son temps libre pour enseigner à la toute jeune fille. Et Dan savait à quel point celui-ci était rare.
Il s’essuya le front, écopant d’une sacrée trace à cause de ses mains pleines de cambouis. Et maintenant sa famille lui manquait, saleté de Bobby, à chaque fois qu’il partait, il devenait une loque sentimentale. Il faut dire que ça faisait un moment qu’il n’était pas rentré chez ses parents, même pour un weekend. Il n’avait pas quitté New York depuis Noël dernier, rentrant juste à temps pour commencer son nouveau boulot. Cela ne faisait que deux mois et pourtant il était déjà comme un chien souffreteux en quête d’affection. Il était peut-être temps d’essayer de chercher à rencontrer de nouvelles personnes ou de reprendre contact avec ses amis, au lieu de jouer au Grizzly solitaire. Il commença à s’en inquiéter surtout quand il se rendit compte que les weekends de repos semblaient foutrement longs, et qu’il avait hâte de retourner à la caserne. Mais pour une fois le week-end passa plutôt vite, sachant qu’il avait partagé son temps entre la cuisine et l’atelier. Si tout se passait bien, il pourrait organiser la sortie d’essai de la Honda dans les semaines qui venaient.
Ce fut donc de sacrée bonne humeur que Dan rejoignit la caserne ce lundi, et ce ne fut que lorsqu’il partit à la recherche, du pompier pour lui remettre les provisions pour la semaine qu’il se rappela qu’il devait éclaircir la situation avec lui.
Il le retrouva à la sortie de sa douche devant son casier. Dan devait-il préciser que le pompier ne portait qu’une serviette qui lui ceignait les hanches, ne laissant que peu de place à l’imagination de l’urgentiste. Non pas qu’il ne l’eut jamais vu nu, mais ils étaient rarement seuls, il y avait toujours d’autres membres de l’équipe avec eux permettant à Dan de garder les pieds sur terre. Il se dirigea vers le jeune homme déterminé à mettre les choses au clair.
Tray, le voyant arriver avec un air peu amène, commença à se tasser et... on pouvait le dire, à paniquer un peu. Pourquoi Dan le regardait ainsi? Sans doute n'avait-il pas apprécié de se faire débusquer par erreur dans son bar ou, pire, il avait entendu parler de la pédale de moto. La seule chose qu'il put faire fut de marmonner un pitoyable:
- Désolé...
Dan stoppa direct son avancé, se demandant pourquoi il s’excusait, car même si celui-ci les avait croisés vendredi soir il n’était coupable de rien sauf s’il avait commencé à l’ébruité.
- C’était donc bien toi vendredi soir…
Tray se gratta la tête en baissant les yeux.
- Euh, oui, mais je ne voulais pas vous gêner, je suis vraiment désolé... Je ne recommencerais pas...
Tray avait volontairement repris le vouvoiement pour bien faire comprendre qu'il se sentait misérable. L’urgentiste soupira, comment pouvait-il réagir face à ce genre d’attitude. Il fallait dire que ce genre de réaction le fatiguait et lui donnait envie d’endurcir le jeune homme face à lui.
-Sérieusement Shelby t’a quel âge?
- Tr... Vingt-quatre ans.
- Et tu crois que ce genre d’attitude t’aidera dans la vie. Je veux dire t’as rien fait de mal, tu t’es juste enfui. Je voulais juste te prévenir que, quelles que soient les conclusions que tu as faites, j’aimerais que tu les gardes pour toi. J’allais pas te frapper. J’avoue que quand tu réagis ainsi, j’ai l’impression d’être un monstre et j’aime pas ça.
- Non, non! Pas un monstre... Juste...
Tray soupira, mal à l'aise, et ne souhaitant pas en rajouter dans les bourdes cosmiques dont il était déjà capable à la base.
- Je ne dirais rien, si c'est ce que vous voulez, pas même à Dulls...
Et... bourde. Pourquoi diable avait-il parlé de Dulls?? Il se serait fichu des baffes, tiens.
- Je croyais qu’on avait statué sur le vouvoiement…
Dan ne comprit pas pourquoi Tray ramenait la discussion à Dulls et Dan détestait ne pas comprendre.
- C’est quoi le délire avec Dulls ?
Et voilà, Tray en était sur... Évidement, qu'il ne pouvait pas avoir passé là-dessus!
- Euh... c'est juste que Dulls est mon meilleur pote ici, c'est tout...
Dieu que le pompier mentait mal... Surtout que la chaleur de ses joues lui indiquait qu'il devait gentiment virer aux pivoines et le fait qu'il n'avait pas quitté du regard ses propres pieds le proclamait comme coupable.
- Tray je t’en supplie, tu mens aussi mal qu’une bonne soeur à propos de la pipe qu’elle a faite au curé, donc je te conseille de vendre la mèche au plus vite. Je suis tout à fait capable de te couper le ravitaillement
Le pompier blond releva la tête devant l'énormité qui avait été prononcée: ça tenait du blasphème.
- Mais... non, enfin... Pas la bouffe...
Vaincu, il se prépara à avouer et se promit de s'excuser platement envers son coéquipier. Mais en même temps, qui pouvait résister à l'attrait de la nourriture?
- Et bien... Dulls a pensé que v... tu étais... gay... et j'ai accepté son pari... Mais, c'est pas grave, hein! C'est juste une blague et je compte pas lui dire que tu l'es! Déjà que ça me ferait perdre cinquante billets...
- Comment ça, mon orientation sexuelle ne vaut que cinquante billets, c’est une honte !
Plongeant la main dans sa poche arrière, Dan prit la direction de la salle commune, suivi de près par le pompier encore à moitié nu. Une fois Dulls, dans son champ de vision, il se dirigea vers lui, tirant son porte-feuille pour en tirer un billet de cent.
-Hey Dulls, énonça l’urgentiste, la prochaine fois que t’as des problèmes de tunes demande au lieu de faire des paris pourris sur des choses que tu n’arrives même pas à comprendre.
Dan lui attrapa la main pour lui donner le billet avant de prendre la direction du garage pour aller se calmer du côté de l’ambulance. Il n’était pas sûr de réussir à s’empêcher à foutre son poing dans la gueule de son collègue. Néanmoins il se stoppa et se tourna vers Tray qui avait l’air misérable juste drapé de son drap de bain.
-Et Shelby, j’ai vérifié sur les plannings, mais mercredi on est tout les deux de repos. Je te dis 18h chez moi pour tu sais quoi.
D’un air entendu, il tourna les talons pour rejoindre son ambulance. Une fois assis, il entendit la voix de Tray hurler à la cantonade:
- MAIS JE VOUS JURE QUE C'EST POUR DES COURS DE CUISINE!
Et enfin un sourire pointa le bout de son nez.
[1] « Don’t Ask, Don’t Tell » qui était la phrase de l’armée américaine concernant l’homosexualité. Et malheureusement, ça l’est toujours un peu.