Chapitre 17: Daughter
Courir… Sentir mes griffes racler contre le bitume ou s’enfoncer dans la terre fraichement retournée d’un jardin, sentir le vent s’engouffrer dans ma fourrure et recevoir de plein fouet les odeurs d’une ville et de ses jardins… Le pied… Hunt et moi étions aux anges de pouvoir laisser libre cours à notre nature et je lui laissais plusieurs fois les rênes durant la ballade, y compris quand il passa pas loin d’une demi-heure à contempler une chouette qui avait élu domicile temporaire sur un lampadaire. Il faut dire qu’elle était jolie cette chouette… Allegro nous suivait en faisant du parkour sur les toits et les rambardes et je sentais qu’il s’éclatait autant que nous.
Et puis vint le moment de franchir la frontière. Évidement, elle n’était pas physique mais je sentais les pas des sorcières creuser un sillon tout autour de la cité, malgré le goudron des rues qui le recouvrait et le passage incessant des voitures. Mais ce n’était certainement pas les sorcières actuelles, de l’alliance avec le Bayou, qui avait dessiné ce sort. C’était bien antérieur. Peut-être une création de Marie Laveau ? Ou de sa fille ? Ou même encore plus vieux quand une tribu d’indiens vivaient dans le coin ? C’était vraiment difficile à dire et je passais un long moment à renifler cette trace de magie ancienne. Tellement longtemps en fait qu’Allegro a du mentir à un crétin qui avait envie de m’écraser avec son hummer. Allegro a dit qu’il promenait son chien. J’ai levé la tête. Cet Imbécile l’a cru et m’a traité de sac à puces avant de signifier en termes plus que colorés qu’Allegro avait intérêt à me déplacer de quelques mètres pour que lui et son véhicule puissent circuler.
Le grognement qui s’est échappé de ma gorge était un son que je ne connaissais pas mais qui était très efficace. L’imbécile fut pris d’une panique telle qu’il manqua d’emboutir un arbre derrière lui avant de réussir à s’enfuir dans un crissement de pneus. J’arborais dés alors une mimique de loup satisfait de sa connerie, c'est-à-dire les oreilles vers l’avant, un croc de montré et les yeux plissés.
- C’était… Putain d’efficace. Murmura Allegro qui n’avait pas bougé jusque là.
Je lui marquais mon approbation en frottant mon museau contre sa main avant de reprendre ma fouille olfactive du sort de frontière. A quoi pouvait bien servir un tel sort ? Je n’avais aucun problème pour le passer et Allegro, malgré le fait qu’il devait me prendre pour un fou, qui me suivait, non plus. Les humains passaient sans problème alors pour qui cette frontière avait-elle été érigée ? D’autres sorcières ? Ce qui allait dans le sens du principe de la Tour d’Ivoire et de l’isolationnisme des sorcières de la Nouvelle-Orléans… Mais Azul avait pu passer deux fois. Je grattais un peu l’humus qui recouvrait une partie de la frontière mais sans plus avoir de précisions sur sa nature. Rageant… Il n’y a rien de pire pour un prédateur que de ne pas reconnaitre sa proie. Je me suis assis en grognant de frustration.
- Je ne sais pas ce que tu cherches mais tu ne le trouveras pas ce soir… On fait autre chose ? J’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas chassé un bon lapin.
Ce qui, malheureusement, signifiait pour un vampire traquer jusqu’à faire mourir de peur sa proie avant de la vider de son sang, généralement quelqu’un qui avait fortement déplu au Maitre de la Ville. Un seul coup d’œil de ma part et il a heureusement compris que je n’étais pas pour du tout.
- Même pas une sorcière… ? a-t-il essayé de négocier en faisant la moue.
Mon regard insistant l’a convaincu de ne pas continuer dans cette voie.
- Alors… Allons chasser les vrais lapins…
Sans doute touché par mon envie de tout lâcher, mon vampire avait sans doute cru qu’il aurait pu être un peu plus libéré dans son comportement. Malheureusement, nous n’avions pas le même régime alimentaire sous ma forme de loup. Je regrettais presque de ne pas pouvoir lui trouver un connard quelconque à boulotter mais je ne pouvais pas revenir sur mes propres règles, même pour mes propres hommes. C’était sans doute la preuve que je m’améliorais en politique puisque permettre tout bas ce que je désapprouvais tout haut était plus dangereux que tout. C’était un coup à provoquer une rébellion, qui, pour le coup, serait parfaitement justifiée.
Et pourtant, je savais que courir après des lapins ne lui aurait apporté aucune satisfaction. J’ai regretté de ne pas avoir de solution efficace sur le coup, me demandant si je ne devais pas lui accorder son « lapin ». Et puis… avant que je ne cède à son désir, un mince filet d’odeur m’a frappé et a accéléré mon rythme cardiaque puisque Hunt a commencé à avoir une crise de panique. Je savais ce que ça signifiait puisqu’il ne réagissait ainsi qu’à l’approche d’une seule créature. Je grondais bas en me tournant vers le Bayou pour avertir mon vampire d’un danger imminent, ce qu’il comprit parfaitement en se mettant en garde.
- Est-ce que j’appelle des renforts ? chuchota-t-il en sortant son portable.
J’ai hésité. Notre plan n’en était qu’à l’ébauche et nous manquions d’informations. J’ai secoué la tête et commencé à flairer la piste. Si je pouvais juste l’approcher et la voir en mouvement, autrement que dans un souvenir recomposé… J’étais sur que j’arriverais à trouver un point faible. Et comme j’étais content que mon assassin soit là aussi. Si je ne voyais rien, lui en verrait sans doute beaucoup. Comprenant mon point de vue, il s’est tapi dans mon ombre et est devenu aussi silencieux qu’une pierre. J’ai toujours été incapable d’un tel niveau discrétion mais mon assassin était un virtuose, quand bien même il pouvait être vêtu de couleurs pétantes. J’ignorais comment il pouvait faire ça mais quelques secondes après mon grognement, je n’avais plus aucun indice sur sa localisation. Il aurait pu être parti très loin que ça ne m’aurait pas étonné…
La piste n’était pas aussi récente que je l’aurais voulu mais elle avait moins de deux semaines. Et elle puait. Elle puait la mort sous toutes ses formes et je crois que je n’avais jamais senti une odeur aussi complexe qui avait un seul et même thème : Le sang, la peur, l’acier, le souffle sulfureux des agonisants, la pourriture et la poussière. En somme, la Mort. La Bête charriait la mort sur son sillage et la répandait autour d’elle. Est-ce qu’elle en était consciente au moins, ou bien emportée dans sa folie, elle se contentait de balayer ce qui se trouvait sur son chemin sans savoir vraiment ce qu’il s’y trouvait. Malgré la peur viscérale de Hunt qui me broyait les entrailles, je commençais à ressentir une sorte de tristesse à l’encontre de cette créature qui était aussi monolithique dans son obsession de la mort, au point d’en porter l’odeur.
Une idée m’a frappée. Pourquoi la Bête, si prompte au massacre, si assoiffée de sang, n’était pas rentrée dans la ville pour boulotter quelques créoles ? Tout simplement parce qu’une sorcière du nom de Marie Laveau avait marché tout autour de la ville pour la boucler. Cette Mort-là ne devait pas rentrer. Je notais dans un coin de ma tête d’interroger Antoine à ce sujet.
Tout en suivant les traces de cette Mort vagabonde, je retentais de figurer son parcours dans le marais. C’était la première fois que j’avais l’occasion de la sentir en liberté et la dernière. Toutes les autres fois où j’aurais l’occasion de renifler son passage, je le ferais pour la traquer. Et pour cette piste, elle ne chassait pas, elle flânait… Et je ne comprenais pas ce qu’elle trouvait, dans sa folie, à ces tourbes et à cette eau croupie, pour apaiser ses tourments. Si elle en avait, ce qui était loin d’être évident pour une tueuse en série… Je tentais de me raccrocher aux événements des deux semaines auparavant pour comprendre sa venue. Mais mis à part la rouste que j’avais collée à Mark, rien n’était vraiment significatif et je ne pensais pas qu’elle fut venue pour soigner les bobos de fiston : c’était incompatible avec sa nature. Du moins, je l’espérais.
La piste continuait et les odeurs devenaient plus fortes, plus récentes et aussi plus empreintes d’urgence. Elle s’était mise à chasser une proie et avait l’intention de la massacrer. Deux femmes, vingt ou trente ans, athlétiques toutes les deux puisque leurs foulées étaient longues et stables… La plupart du temps. L’une des deux avaient manqué plusieurs pas et avait roulé au sol, s’accrochant aux branches basses et aux racines pour se relever, les cassant au passage. Les lourdes pattes de la Bête écrasaient les traces de pas des deux femmes dans une gerbe de boue, aspergeant les alentours. C’était très récent. C’était juste devant nous.
J’ai bondi en avant en essayant d’écouter les bruits du Bayou, essayant de les repérer toutes les trois au son. J’ai entendu la respiration lourde et calme du prédateur qui est sur d’attraper sa proie, celle sifflante et faible d’une femme qui espérait ne pas se faire repérer et celle gargouillante et hachée de quelqu’un qui mourrait lentement d’un poumon transpercé. J’ai entendu la survivante craquer et tenter la fuite aussi vite qu’elle le pouvait. J’ai atterri dans la clairière à ce moment-là, devant elle, tellement prés qu’en avançant le museau, j’aurais pu lui renifler la fourrure.
Le problème avec le souvenir qu’avait nettoyé Alcibiade était que je n’avais rien ressenti ni dans un sens, ni dans l’autre. Alcibiade m’avait prévenu… Mais il ne m’avait pas prévenu de ce qui allait m’arriver quand je LA verrais en vrai. Si je n’avais pas été vampire, je serais mort d’une crise cardiaque, toutes les fibres de mon corps s’étant paralysés en un seul instant alors que je plongeais dans son regard rouge comme le sang. J’ai eu l’impression de tomber de très haut ou de regarder la surface lointaine de l’océan où je me noyais ou même encore d’être enterré vivant à contempler les griffures que j’avais laissées sur la paroi de mon cercueil. J’ai à peine senti Allegro percuter mon dos et tomber en arrière. Il devait être dans le même état que moi, tremblant de la peur ancestrale de la mort que, comme moi, il avait pensé maitriser mais, tout comme moi, rien ne l’avait préparé à ça.
La Bête hurla, un son sourd et grondant venant de très bas et s’enflant comme pour nous noyer sous la peur. Tous tentèrent de se soustraire à ce hurlement de mort en reculant autant qu’ils le pouvaient. Sauf moi. Je n’arrivais pas à bouger, pas d’un seul millimètre. Quand elle tourna sa monstrueuse tête vers moi, j’étais fasciné par les crocs monstrueux qui dépassaient de ses babines et qui auraient pu m’emporter la tête d’un seul mouvement. Je n’arrivais pas à bouger. Je m’imaginais ressentir ce que des démineurs pris au piège ressentent quand ils savent que la bombe qu’ils désamorcent explosera, malgré leurs efforts, et qu’ils attendent la mort. Je ne bougeais pas d’avantage quand son énorme masse se déplaça pour me faire face et qu’elle approcha son museau du mien, le frôlant.
Je ne ressentis plus rien et un bref instant, j’ai cru être mort et que je regardais une réminiscence de ce qui s’était passé. Mais non… Elle s’éloigna et disparut subitement. Avant que j’aie pu comprendre ce qui était réellement arrivé, le cri d’une femme et le bruit répugnant d’une nuque brisée m’a tiré de ma torpeur et m’a fait sursauter. Les battements de mon cœur étaient revenus avec une telle force que j’avais l’impression qu’il allait finir par me défoncer la poitrine de l’intérieur et ma respiration hachée ne facilitait pas mon état. L’alerte était passée mais je n’arrivais tout simplement pas à me calmer. Pire que tout, dans ma terreur, j’avais laissé une femme mourir. Quant à l’autre, les sifflements de sa respiration m’indiquaient qu’il ne lui restait que quelques minutes de souffrance avant de périr. Alors que la Bête était loin, je pouvais sa sentir ta terreur et ses regrets, à nouveau, et ça me déchirait le cœur. Sans que je m’en rende compte, je me retransformais déjà sans subir la moindre douleur. Ç’aurait pu être étonnant, et ça l’était sans doute, mais Hunt était toujours prostré dans un coin de nôtre tête. Pourtant, tout ce que je percevais des émotions présentes ne pouvait me venir que de son pouvoir de Cœur de Meute, le Cannibale que j’étais se contentant de suivre les auras.
La terreur de la femme mourante augmenta au même rythme que sa perte de capacité à respirer. Les gargouillements se firent plus présents alors qu’elle se noyait de son propre sang. Je jetais un œil à Allegro qui s’était suffisamment remis pour pouvoir se lever mais il me confirma d’un hochement de tête qu’elle allait mourir, quoi que je fasse. Avec le ventre fendu en deux et les côtes visibles, c’était déjà un miracle, façon de parler, qu’elle ait survécu aussi longtemps. Je m’agenouillais auprès d’elle et lui pris la main qu’elle essayait de me tendre.
- Je suis tellement désolé… Vous ne pourrez pas survivre. Vos blessures sont trop graves.
Je ne voyais aucune raison de lui mentir. La conforter dans une idée de miracle allait prolonger inutilement ses souffrances et je n’étais pas sur de savoir comment faire pour la calmer et la faire partir en paix. Je me visualisais comme un siphon, capable d’attirer sa douleur, et je sentais mes poumons se remplir de liquide. Je me mis à tousser alors que rien ne sortait de ma bouche. Peut-être est-ce que je me persuadais tout seul de cet état de fait mais je toussais en même temps qu’elle, puis plus souvent alors que sa respiration s’apaisait. Je sentais aussi mon ventre se tordre et se déchirer, mes entrailles se couvrir de givre, malgré le feu qui avait pris possession de ma peau. Si je n’avais pas su que ce n’était pas réel, je pense que je serais mort du choc.
Elle mourut, dans un dernier soupir, alors que l’éclat dans ses yeux se ternissait. Toute la douleur que j’éprouvais disparut dans ce dernier souffle. Je n’étais pas sur d’avoir réussi quoique ce soit mais avoir essayé me réconfortait un peu. Un peu seulement. Deux personnes étaient mortes et je n’avais aucun moyen d’abattre la Bête puisque je n’étais même pas capable de rester l’esprit clair face à elle, ni même de bouger. Je n’avais pas combattu mais elle m’avait vaincu rien qu’en me regardant.
Ce n’est pas ta faute… Me murmura Hunt en reprenant ses esprits. Je suis incapable de lui faire face et je t’ai transmis ma terreur…
- Pas sur que ce soit ta peur qui m’ait stoppé. Je crois surtout que j’ai pas été très loin de me pisser dessus. Heureusement que je suis un vampire…
Une odeur m’a frappé alors que j’essayais de me redresser, une odeur qui tranchait avec celle, putride, du Bayou, un parfum de poudre noire, d’absinthe et de caramel de lait. Et par en dessous… La fourrure douce d’un louveteau. Je me penchais sur le corps de cette malheureuse, n’osant croire au miracle. Enfin… Si on pouvait appeler un miracle le fait d’avoir été changé en Louve par la Bête elle-même. Le cœur d’une petite créature apeuré, puisqu’elle ne savait rien du monde dans lequel elle entrait, battait comme un tambour. Je pouvais le sentir dans la paume de ma main que j’avais posée sur son cou. J’ai voulu y croire… J’ai voulu y croire parce que ça me rassurait :
- Je suis là, Petite Chose… Je suis là pour t’accueillir et je te protégerais…
Hunt se releva et regarda par mes yeux avant de produire une chaleur apaisante qui se répandit tout autour de nous. La petite chose, qui deviendrait énorme une fois qu’elle serait née, s’apaisa et devint plus attentif à ma main, se laissant guider sans plus gémir. La première phase s’était bien déroulée, il ne restait plus qu’au louveteau nouveau-né à s’extirper du corps humain et entraîner la jeune femme avec lui. Malheureusement, c’était aussi le plus difficile. La douleur peut provoquer un choc qui tue le louveteau avant qu’il puisse sortir et guérir son hôte. Je tentais à nouveau de faciliter les choses, pensant que ma propre expérience pourrait atténuer la douleur d’une transformation… Mais non. Je ne ressentais pas ma transformation, je ressentais SA première transformation, ce qui m’a coupé le souffle. Je ne sais pas si ça a vraiment aidé mais j’ai senti la jeune femme trembler et convulser.
Ses yeux se sont ouvert en grand, les prunelles couleur de miel avant d’accommoder exagérément. Elle essaya de hurler mais ses poumons ne fonctionnaient pas encore, alors elle griffa le sol à la recherche de l'air qui lui manquait. Peine perdue… La petite Louve comprit d'où venait le problème alors que je cherchais mon propre souffle et à forcer mes poumons à se remplir, et se cambra en arrière pour se concentrer sur la plaie béante qu'elle avait entre les deux seins et qui descendait jusqu'à son aine. La démangeaison qui me prit au même endroit me rendit fou et j'hésitais à tout lâcher pour me gratter. Ce qui était stupide puisque rien ne me démangeait… Ce n'était ma peau qui se régénérait, mais la sienne ! Je n'avais pas ressenti ça depuis que toute la peau de mon dos avait été arraché par l'asphalte d'une route sur laquelle on avait décidé de me faire glisser. Je n'ai pas glissé. J'ai râpé. Et bien, vous le saurez, faire repousser sa peau est presque pire que de la perdre. Mais j'ai tenu le coup, et elle aussi. Sa poitrine étant enfin fermée alors qu'elle convulsait , elle prit une grande inspiration et hurla, hurla d'abords sa douleur, sa peur puis son hurlement devint plus expansif et célébra sa joie d'être en vie. Son cri se stoppa net alors qu'elle entamait sa transformation et se couvrit de fourrure crème et miel. D'un simple mouvement de hanches, digne d'un chat, elle se retourna pour s'ébrouer sur ses quatre pattes.
Elle était puissante et fine à la fois, les yeux d'or et francs. Elle n'avait pas peur, ni de moi, ni d'Allegro qui la résuma ainsi :
- Whaou…
Pas mieux.
Simon.
Comment dire… Autant Simon est un mec bien tant qu'on ne le sort pas de sa zone de confort, limite le meilleur pote que l'on peut rêver. Une fois qu'on l'a sorti de sa zone de confort, en l’occurrence que son chef se soit barré de sa piaule sans le prévenir et que ce crétin de Maître de la Ville se soit baladé avec juste l'assassin comme escorte, rencontré la Bête et a ramené une Louve qui pionçait lamentablement sur le canapé, Simon pète les plombs. J'en ai tellement pris plein mon grade que je me suis senti… Comment dire… tout petit. Pour me protéger, je lui ai fait un câlin. Ça l'a suffisamment perturbé pour qu'il m'oublie quelques heures.
Je me suis tourné vers la Louve qui faisait semblant de pioncer, sa tête à la face crème posée sur ses pattes au poil miel de châtaigne.
- Bon… Demoiselle, on fait connaissance ?
Elle a ouvert un œil d'or et m'a toisé avec une certaine arrogance. Azul qui était à côté de nous a laissé échapper un petit rire.
- Bon dieu… Je ne vais plus être toute seule au milieu de toute cette testostérone !
- C'est une Louve, chérie. Lui ais-je fait remarqué.
- Les Louves de la Meute du Bayou ne m'ont jamais posé le moindre problème, Choupinou. De toute façon, Mark n'aurait pas toléré une femelle dominante, il a dû toutes les tuer puisque je n'en ai rencontré aucune.
- Oui, il est évident que notre invitée est une dominante. Et une fille de la Bête.
- Mark va tout essayer pour la voir morte. Tu en es conscient ?
- Il faudrait qu'il sache qu'elle existe. Et au pire… Si notre petite demoiselle ici présente peut l'humilier par sa simple existence, j'en serais tellement ravi.
- Et moi donc…
J'ai souri à la Louve qui a baissé les oreilles en arrière et a soupiré.
- Ne rêve pas, ma belle. Il faut que je parle à ton humaine et tu ne peux pas rester trop longtemps à la surface sans qu'elle ait conscience que tu existes. Donc… Merci de lui laisser la place, boule de poils.
Elle m'a grogné dessus. Elle m'a grogné dessus en me montrant les crocs ce qui a rendu Hunt particulièrement en colère, lui grognant dessus en retour avec une impulsion qui a foutu tout le monde à genoux, la gorge exposée. Ce n'est pas vraiment ce que j'avais prévu mais… Utile.
- Je voudrais bien dire que je suis désolé…
- Bah, enlève-le, Boss.
- Je ne sais pas comment.
Je me suis tourné vers la louve qui me montrait sa gorge et avait une lueur meurtrière dans le regard.
- Je ne demande plus, j'exige. Lui ais-je murmuré.
Elle a soupiré à nouveau avant de se redresser et d'entamer une transformation d'une telle fluidité qu'on est tous restés bouche bée. Comme je l'ai déjà dit, les jeune loups-garous dissociés ont une transformation très douloureuse, en plus d'être lente. Notre invité a mis en tout et pour tout deux minutes et n'a pas senti le moindre inconfort. A nouveau en forme humaine, et particulièrement sympathique à regarder nue, elle s'assit sur le canapé et croisa les jambes, avec toujours cette petite arrogance dans le regard. Comment la décrire… ? Blonde. Définitivement blonde et vraie blonde, mais son blond était doré comme les blés et maintenant qu'elle n'était plus mourante, sa peau était assez lumineuse pour soutenir sa couleur de cheveux , lui donnant l'impression d'être une statue de métal dorée. Elle avait les yeux bleus, les pommettes hautes et le nez légèrement retroussé, ce qui aurait absolument charmant si le pli de ses lèvres n'avait pas été aussi dédaigneux. Il était clair qu'il ne fallait pas faire chier madame. Et , grands dieux, si on avait su à quel point, à ce moment… Et puis, il y avait son corps… Si jamais vous avez déjà eu un fantasme féminin, voilà. Vous l'avez elle. Tout les hommes présents ont une réaction allant de Dom qui s'est retourné en rougissant à moi qui adorait la vue malgré Hunt qui boudait. Je pensais qu'elle devait être une sacrée tigresse au lit.
Simon, heureusement marié et pouvant donc se remettre assez vite de sa demi-molle, se tourna vers moi.
- Elle est déjà associée ?
- Possiblement…
- Bordel… J'ai mis deux mois à réussir et je suis le plus rapide de la Meute !
- Ta femme te le dit souvent… Marmonna Ash.
- Huit sur dix. Fit remarquer Allegro.
- Trois sur dix, Contra Dom. C'était extrêmement facile.
- T'es dur, frangin…
- Ce qui nous fait une moyenne de cinq. Merci, Ash, pour cette blague.
Oui… C'est une tradition chez nous de noter les blagues… Non, je n'ai pas honte puisque c'est moi qui l'est instauré...
- Donc… Je suis tombée chez les fous… marmonna notre invité en croisant les bras, ce qui remonta sa poitrine, nous plongeant, nous les mecs, dans une attention contemplative. Azul , même si elle ne dédaignait pas le sexe féminin, n'eut pas à s'en remettre trop vite :
- Oh chérie… C'était absolument magnifique comme diversion.
Notre invitée lui sourit avec un air de connivence. Et là, j'ai eu peur… Mon dieu, deux femelles qui s'entendraient pour ruiner notre santé mentale… Manquerait plus qu'elles me corrompent mon assassin pour les accompagner dans leurs délires… Maintenant, je peux le dire, notre invitée ne participa pas aux délires de princesse d'Azul… Ce fut un autre qui devint la tête du trio infernal… Ash m'en veut toujours un peu pour ça.
- Et maintenant que nous autres faibles hommes nous sommes bien rincé l’œil… Votre nom ?
Elle soupira de nouveau mais accepta de répondre.
- Yukiko Diana Rafferty. Tout le monde m'appelle Yuna.
- Yukiko ? S'étonna Ash.
- Ma grand-mère était japonaise.
- Et Diana ?
- Mon père adorait Wonder Woman.
- Tellement content de m'appeler Simon, moi...
- Ah, j'ai un nom. Les autres ?
Ils répondirent tous en levant la main et je finis par me présenter en lui tendant la mienne.
- Vincent. Le chef de tous ces tarés et sans doute le pire taré de tous.
- L'Alpha de la Meute ?
Je ne le vis pas puisque je leur tournais le dos mais ils hochèrent tous de la tête avec une certaine fierté.
- Non. Il n' y a pas d'Alpha puisqu'il n'y a pas de meute.
Ils m'ont tous regardé avec un étonnement qui m'a, pour le coup, mis la puce à l'oreille. Il faut dire que Hunt qui éclatait de rire dans un coin de mon crâne n'aidait pas à rester inconscient de la réalité. J'étais un Alpha… J'ai fait ma Scarlett O'Hara et j'ai décidé de n'y penser qu'à partir du lendemain.
- Bref… Vous vous souvenez de ce qu'il vous est arrivé ?
- Vaguement. J'essayais de faire rentrer cette salope de Trish chez elle pour qu'elle me foute la paix et la voiture a été percutée par… Je sais pas trop mais on a fait un sacré tonneau. Quand j'ai enfin pu sortir l'autre connasse de son siège, j'ai… Vu un truc avec deux yeux rouges immenses… et j'ai couru.
- Trish ? Murmura Azul.
- La maîtresse de mon mari qui a trouvé très intelligent de venir me trouver complètement bourrée alors que j'étais en vacances dans le coin. Je savais que sa mère habitait dans le coin, donc, je voulais la larguer là-bas pour qu'elle me foute la paix.
- Et ensuite ?
- Ensuite, j'ai vu mes boyaux dégueuler de mon ventre et quelqu'un qui m'a dit que j'allais mourir.
- Ouais, désolé… Je n’ai jamais eu beaucoup de diplomatie.
- Je n’en avais pas besoin… J’avais juste besoin qu’on m’aide à atteindre le bout du chemin et la surface. Ce que tu as fait.
J’ai souri et envoyé une vague de fierté à Hunt qui s’est frotté à moi en retour. Manifestement, nous avions réussi à faciliter sa naissance et, ce faisant, l’association de deux moitiés de son âme. Je pensais, à part moi, que je devrais en parler au Fenris. Comme personne ne m’avait indiqué les devoirs et les capacités d’un Cœur de Meute, je me contentais d’être un emmerdeur et de me laisser toucher par ceux qui avaient besoin de moi. Ce qui était dur. Mais, mes véritables prérogatives, je n’en savais rien. Je pensais qu’il était peut-être temps de mettre de l’eau dans mon vin.
- Bon… Et ce qui vous a attaqué ? Mis à part les yeux, vous avez vu autre chose ?
- Pas vraiment, non. C’était grand, c’était furieux et…
Elle s’est stoppé un instant en fronçant les sourcils, manifestement se rappelant de quelque chose mais incapable de le formuler efficacement. Et puis, ça lui revint :
- J’ai entendu une voix… Une voix de femme furieuse et hargneuse… Je l’entendais alors que cette chose plongeait sur moi…
Nous étions pendus à ses lèvres, vu que ni Allegro ni moi n’avions entendus quoique ce soit.
- La voix gémissait ?
- Non… Elle hurlait mais je l’entendais à peine comme si la femme était vraiment très loin. Elle hurlait… « Ou est-il ? Rends le moi ! »
Alors… Ça, c’était nouveau. Je ne pensais vraiment pas que la Bête put être cohérente mais elle cherchait quelque chose, c’était évident. Peut-être quelque chose qu’on lui avait volé ?
- C’est peut-être comme ça que la Meute du Bayou la… convoque, faute de meilleur terme… Marmonna Ash.
- Peut-être… Mais on lui aurait volé quoi ? Elle n’a pas du se retransformer depuis des siècles, comment pourrait-elle posséder quoique ce soit ?
- Pour ça, je n’en suis pas si sur, remarqua Dom. Nous savons qu’elle a de grandes périodes d’inactivité. Qui nous dit qu’elle ne se transforme pas et qu’elle vit calmement… Jusqu’à ce qu’un évènement lui fasse péter les plombs et entamer un massacre ?
- Comme le vol de quelque chose à laquelle elle tient ? Et que ses enfants lui volent ? Rebondit Simon.
- Et si on va plus loin, renchérit Azul, que ces connards lui volent pour lui faire péter les plombs.
- Euh… On extrapole peut-être un peu ?
- On parle de Mark. Toutes les saloperies que tu peux imaginer seront en dessous de la vérité. Marmonna t'elle.
- Euh… Je vais être désagréable mais c’est quoi ce bordel ? demanda Yuna à mi-voix.
Ah oui… Il restait un problème.