Chapitre 6: Venturae Famis
La Clinique de Fairview est un très bel endroit si on aime les hôpitaux. Il se trouve que ce n’est pas mon cas. Oh, rassurez-vous, rien de grave, pas de parents morts dans d’atroces souffrances au bout d’une agonie interminable… C’est l’odeur de la javel qu’on utilise pour désinfecter les sols des hôpitaux qui me donnent envie de courir dans l’autre sens.
Je sais, vous auriez préféré une histoire bien larmoyante ou bien, encore mieux, une histoire difficile avec un infirmier qui m’a demandé en mariage mais comme sa famille désapprouvait, celle-ci m’a demandé de refuser en échange d’un gros chèque parce que sinon ils seraient obligés de le déshériter. Evidemment, j’ai accepté… Je n’étais qu’un pauvre mécanicien latino ayant à peine de quoi soutenir mes huit frères et sœurs qui ont entre deux et seize ans et dont l’ainé a une tendance à trop trainer avec les Kings, le gang de rue le plus proche de chez nous. Avec l’argent, j’ai pu faire déménager toute ma fratrie et même payer l’opération de greffe du cœur de la petite dernière… Néanmoins, à chaque fois que je vais à l’hôpital, je crois voir Anthony, mon infirmier, à chaque fois que je croise une blouse blanche et je me sens tellement seul depuis qu’il n’est plus là mais je sais que j’ai fait le bon choix.[1]
Oui, je lis des romans Harlequin ces temps-ci… Ça me bousille un peu le cerveau…
La clinique donc… Je trouve quand même assez bizarre qu’une clinique chargée de faire des tests de médocs puisse être aussi jolie. Ça ressemblait à une clinique de cure de désintoxication pour stars de cinéma, c’était propre, c’était au milieu d’un joli parc où une colonie d’oiseaux piaillait dans la joie et la bonne humeur… D’ici à ce qu’une jeune fille blonde sorte en dansant et chantant le bonheur d’être une femme au foyer, il n’y avait qu’un pas. Cela dit, si j’avais besoin de cacher un type qui avait survécu à un massacre, je l’aurais caché en cure de désintox. On peut le bourrer de calmants sans que personne ne dise rien, pas même lui.
Quand nous sommes rentrés, nous avons été alpagués par la demoiselle de l’accueil qui a même contourné son bureau pour nous empêcher de faire plus de trois mètres à l’intérieur. Etonnant. Bon, il est clair que ni Karl ni moi n’étions pas des médecins mais j’ai vraiment trouvé étonnant qu’on nous arrête aussi vite et j’ai cru qu’ils étaient déjà au courant de notre venue. Mais en fait, c’était la procédure classique, ici et Karl pensa très vite que ça puait. Et bien, pas tant que ça… Pour éviter tout problème d’espionnage industriel, aucune personne ne faisant pas partie du personnel de la clinique ne pouvait rentrer. Point final. Le mandat n’a pas été apprécié mais ils n’y pouvaient rien. Les pauvres… il faut dire que Karl n’est pas aimable quand on lui dit non…
Au bout d’une trentaine de minutes de force de loi et de gros yeux, on nous a enfin introduits à notre survivant et j’ai compris pourquoi ils avaient pris aussi peu de temps à répondre. C’était bien le jeune étudiant que j’avais vu ce matin-là mais couché sur un lit d’hôpital et lié à une dizaine de perfusions. Il avait aussi un masque respiratoire et un moniteur qui maintenait son cœur à un rythme régulier. Je me suis assis à côté de lui et j’ai posé ma main sur la sienne, qui était attachée… De son coté, Karl a pris la plaque qui détaillait l’état de Jimmy Potts.
- Coma dépassé suite à une overdose de méthamphétamine. Tu valides ?
- Non. Il n’est pas dans le coma. Mais…
- Mais ?
Normalement, je ne plonge pas aussi loin dans la psyché de quelqu’un… surtout depuis Ben mais pour le coup, je ne sentais pas grand-chose. Sur n’importe qui, j’aurais déjà ressenti les émotions, en général, l’inquiétude de savoir que je plongeais les doigts dans leurs crânes. Là, je ne sentais rien… Pas même un relent de confusion, ce qui devait être l’état d’un comateux.
- Ils lui ont foutu quoi dans ses perfs ?
- De quoi le maintenir en vie et des sédatifs.
- Pourquoi ce gamin a besoin de sédatifs alors qu’il dans le coma ?
- Parce qu’il n’est pas dans le coma ?
- Mouais… même sans sédatifs, il ne pourrait pas bouger.
- Bon, Vince… Arrête d’en dire trop ou pas assez, je suis en train de crever de frustration…
Par acquis de conscience, et je vous jure que j’ai détesté ça, j’ai remué les griffes dans l’endroit où aurait dû se trouver son âme. Normalement, j’aurais dû agripper les filaments et j’aurais pu arracher le tout. Sauf que de filaments, point.
- Il a des blessures ? Il me semble me rappeler qu’il avait des traces de sang sur son T-shirt, quand on l’a trouvé.
Karl a soulevé le drap et a commencé à inspecter les membres de notre Belle au Bois Dormant. Au bout d’une ou deux minutes, il s’est redressé :
- Que dalle.
- Ce qui est stupéfiant.
- En effet, personne n’aurait pu s’en sortir indemne, surtout si ça avait été une vingtaine de métamorphes, toutes griffes dehors.
- Sauf dans un cas : Qu’il ait été transformé. Et ce n’est pas le cas, je sentirais la Dissociation.
- La ?
J’ai ouvert les yeux pour regarder Karl, oubliant que le processus de transformation était un secret jalousement gardé entre les postulants métamorphes et les métamorphes eux-mêmes.
- J’accepte de te mettre dans la confidence si tu acceptes de ne plus coucher avec l’auteur de l’Ordonnance des Éternels…
- Bordel… C’est arrivé qu’une seule fois…
- Et je m’étonne encore que tu n’aies pas cherché à récupérer tes royalties.
- Bon, je te jure sur ce que j’ai de plus cher que je ne le reverrais plus.
Je l’ai regardé avec insistance. L’une des rares choses qui est su par la totalité de la planète, c’est que rompre un serment est extrêmement grave pour un loup, au point qu’un loup qui n’a pas respecté sa parole deviendra un paria quand bien même il n’est en retard pour le match de baseball de son fils cadet que de vingt minutes. Oui, c’est une histoire vraie. Karl a levé la main et les yeux et a juré dans un soupir :
- Je jure que plus jamais je ne coucherais avec un écrivain qui prendra mes confessions pour argent comptant et si je me dédis, qu’on m’arrache les couilles, si possible au sécateur, ce sera plus rapide qu’à la cuillère.
- Merci. J’achèterais un sécateur en revenant.
- Oooh, Mec ! Profite de mes couilles avant de les couper, merde !
- La Dissociation, donc ?
- S’il te plait.
Je vous épargne mon explication de vingt minutes auprès d’une personne dont l’esprit plus que rationnel n’admet pas l’existence de la magie et du monde des esprits. Néanmoins, voici comment ça se passe :
Tout être vivant est connecté à ce que, par convention, nous appelons le Monde des Esprits. Cela dit, ça a eu de nombreux noms : Le paradis, la Voie Lactée, l’après-vie, les limbes, Sovngarde pour les plus geeks… Mais, plus qu’un endroit où les gens vont après leur mort, le Monde des Esprits est une idée où se retrouve une puissance démentielle, celle du possible. Ne cherchez pas, personne n’a réussi à canaliser ce pouvoir… sauf les Faes de l’Equilibre et particulièrement leurs Architectes du Rêve. Mais, le plus important au final, c’est que le Monde des Esprits s’alimente des interactions des vivants et les nourrissent en retour. Quand quelqu’un meure, les connections entre la réalité et le Monde des Esprits et tout repart dans ce dernier.
Mais pourquoi ces connections se coupent ? parce que sinon ce serait le bordel, tiens ! Mais plus prosaïquement, c’est tout simplement parce que la mort est suffisamment traumatisante pour que les connections lâchent, même une mort naturelle.
Mais, Vince, tu nous emmerdes avec tes digressions ! C’est quoi le rapport avec la Dissociation ?
Mais j’y arrive, improbable bipède ! Laisse-moi le temps de le faire !
Vous le savez déjà, les Loups-Garous meurent au moment de leur transformation. C’est inévitable et c’est même obligatoire. Lors de cette mort, certaines connections sautent et d’autres apparaissent afin de maintenir la vie dans ce pauvre corps mutilé. Cependant, les nouvelles connections ne sont pas identiques aux précédentes et on suppose que le Grand Ordre de l’Existence préfère parer au plus pressé, choisissant les connections les plus robustes, les plus simples et les plus capables de survivre : Une version plus animale. Voilà pourquoi nous nous séparons en deux entités distinctes, une humaine et une animale.
C’est généralement à ce moment-là que je montre ma feuille de papier à mes étudiants. Je la prends dans la largeur et je la déchire en deux jusqu’aux deux tiers. Voici ce qui arrive quand un aspirant métamorphe se fait attaquer, que le virus W commence à se répandre et que son cœur s’arrête : son âme se déchire à cause du traumatisme et l’une de ses parties devient animale, jusqu’à la Dissociation s’estompe et que les deux parties de l’âme se ressoude. Ou pas…
- Et quel est le rapport avec notre comateux ? Me demanda Karl.
- Il n’y pas de connections animales chez ce type. Il ne peut pas s’associer avec l’autre partie de son âme parce qu’il n’y a pas eu de dissociation.
Un caillou… Ou presque.
S’il y a bien une chose que je déteste, c’est quand mon loup devine tout avant moi.
- Tu... es en train de me dire qu’il n’y a plus personne dans sa tête ?
- Pas tout à fait. Il y a des bribes qui restent mais vu que la moitié des connections ont sauté, le reste part à cause de la pression. Et vu qu’il n’y a rien pour maintenir la survie… Autant arrêter son cœur tout de suite.
A ce moment-là, j’ai eu une idée étrange et j’ai commencé à pâlir.
- Ça va, Mec ? T’as l’air d’avoir avalé quelque chose de pas très frais.
- Oh, ce n’est rien. Juste… un peu de fatigue.
Comme s’il avait déjà été au courant, Alcibiade m’attendait dans le garage, les bras croisés et adossé contre un pilier. J’ai levé les yeux au ciel, enfin… au plafond, et j’ai avancé vers lui. Je devais faire une tête particulière parce que mon démon a froncé les sourcils et a semblé vouloir me mordre. Avant même que j’ai eu le temps de lui souhaiter une bonne soirée, il a grommelé :
- Tu sais, si j’ai ce visage, ce n’est pas pour le plaisir de le porter dans toute sa splendeur et sa jeunesse… C’est pour t’empêcher de recommencer la connerie qui m’a attribué ce corps !
- Euh, c’est pas ce…
- Tes griffes sont pleines de sang !
C’était une remarque métaphysique : En forme humaine, je n’ai pas de griffes et certainement pas de sang sur les mains. Cela dit, je m’étonnais qu’il soit au courant…
- Il n’y avait rien à griffer. Et… Ce n’est pas de ma faute. Je ne suis même pas sûr que ce soit de la faute de qui que ce soit. Remballe ton sermon, Démon.
- Il n’y a que deux moyens de vider une tête : la mort ou la griffure psychique. Tu as plongé dans un mort.
- Non. Et c’est ça qui me perturbe le plus… On peut en parler ailleurs ? J’ai déniché une très bonne bouteille de rhum guyanais.
- Ah, si y’a du rhum…
Dans l’ascenseur, Alcibiade a soupiré.
- C’est si grave que ça ?
- Comment ça ?
- Tu m’offres une bouteille de rhum. Tu vas donc me demander quelque chose de très gros.
- … Possiblement…
- Tu sais qu’à cause de tes conneries, j’ai une cave de 217 bouteilles de rhum, toutes de très bonne qualité. Tout ce putain de bâtiment me demande des informations contre des bouteilles de rhum !
- Et de boites de caviar de beluga.
Il m’a regardé avec mépris.
- Tu étais au courant…
- A ton avis, qui a répandu la rumeur de tes goûts gastronomiques ?
- Toi…
- Non, mais presque. Sokol me l’avait demandé pour l’affaire Crabtree et il a gentiment passé le mot à tous ses potes de la Traque.
Alcibiade a soufflé de colère et je me suis permis d’en rajouter une couche :
- Eh, c’est de ta faute, mon grand. Si tu faisais le travail pour lequel tu es payé, nous ne serions pas obligés de te corrompre par la bouffe.
- Tu sais qu’à la base, je ne voulais pas de ce job ? Pourquoi m’as-tu employé ?
- C’est pour mieux te surveiller, mon enfant.
Je pouvais sentir sa frustration s’échapper de lui en volutes toxiques. Oh, ne vous méprenez pas ! Alcibiade est très content de son travail puisqu’il lui permet de renouer avec une très vieille tradition des Démons Tisseurs de Contrats : Récupérer le plus d’informations possible et veiller sur sa bibliothèque comme un dragon sur son tas d’or. Cependant, il faut bien qu’il fasse comme si tout ça l’emmerdait profondément : Ça fait partie du personnage et surtout, ça le protège de toute tentative de sociabilisation à son encontre. Il faut vraiment être masochiste pour tenir plus de dix minutes sous ses piques et ses insultes.
- Et on va où, là ? Marmonna-t-il tout en redressant sa cravate.
- Dans mon bureau.
- Ah.
Sans prendre le temps de m’expliquer, il appuya sur le bouton de l’étage des Archives. Comme je m’étonnais, il m’a signifié d’une voix pleine de fiel qu’Elena était dans mon bureau et qu’il n’avait strictement aucune envie de la voir.
- Toi non plus tu ne l’aimes pas…
- Accorde-moi le bénéfice d’avoir quelques millénaires d’existence et de repérer en quelques secondes les humains à problèmes. Si elle savait ce que j’étais, elle m’assiégerait tous les jours pour obtenir ce qu’elle veut en échange de son âme. Largue-la avant que je ne la bute.
Vous savez quoi ? Il y a un juge des esprits humains auquel je crois sans preuves et c’est Alcibiade. Vous allez me dire qu’il déteste par nature l’humanité tout entière et qu’il n’est pas impartial… Détrompez-vous. Il y a des personnes qui échappent miraculeusement à son avalanche d’insultes et je sais que ces personnes-là sont ce qui existe de plus proche à des saints. De plus, Alcibiade a pris le parti de ne jamais plus me mentir, histoire de se rajouter de la difficulté.
- Développe ?
- Tu prends ton téléphone et tu lui dis qu’elle est moche et grosse…
- Non, je voulais dire « humaine à problème ».
- Hum… Ambitieuse mais qui ne se l’avoue pas, territoriale à l’excès et égocentrique.
- Oh, ne m’épargne pas, s’il te plait… grinçais-je.
- De plus, c’est une très bonne actrice. Je savais que ta soif d’attention attirerait les chasseurs de dot mais j’ignorais que ça arriverait si tôt.
- Je n’ai pas vraiment de dot à offrir…
- Les humains réfléchissent à leur échelle, crétin. Quelques années avec l’héritier de Sigur, c’est le bout du monde pour eux. Cela dit, j’éprouve un peu de respect pour elle… Pas assez pour la laisser vivre mais elle s’accroche alors que ton empire n’est pas au mieux.
- Oh joie…
A force de jouer la carte sarcastique, je savais que j’allais m’en prendre une. Ça n’a pas loupé : il m’a fichu une taloche derrière la tête. J’aurais pu l’éviter mais il y a certaines personnes que je laisse me frapper. Déjà parce que ça ne me fait pas mal et ensuite parce que ça les rassure. Cela dit, si Alcibiade avait voulu me faire mal, il y serait arrivé sans aucun souci mais ce n’est qu’un coup de semonce.
Le bureau d’Alcibiade est étrange dans le sens où il n’y a rien d’exceptionnel. C’est tellement vide, tellement gris et blanc… Mais ce n’est qu’une façade. Son véritable bureau est ailleurs. Je sais que vous vous posez la question : Pourquoi les démons chassent-ils les âmes alors que toute la puissance finit de toute façon dans le Monde des Esprits ? Simple… Certes, ils ne peuvent pas absorber cette puissance mais en ayant le contrôle consenti de ces âmes, ils peuvent les diriger vers leurs propres créations, leurs propres Royaumes Intérieurs. Les Archives du Sicarius, Royaume Intérieur d’Alcibiade, est dans le Monde des Esprits, à moitié matériel et à moitié spirituel. Les chances qu’on puisse piquer quoique ce soit dans nos archives sont infinitésimales. Le vrai bureau d’Alcibiade est donc en plein milieu de la bibliothèque la plus étrange que j’ai jamais vu. Pour vous donner une idée, prenez la bibliothèque du Nom de la Rose, rajoutez-y des serpents et un côté encore plus labyrinthique.
Alcibiade s’installa sur son trône, oui, un trône, et caressa distraitement l’un de ses serpents.
- Alors ? Que puis-je pour toi ?
- Comme tu t’en doutes, on a retrouvé l’un des survivants du massacre de Columbia.
- Et tu as farfouillé dans sa tête.
- Il n’y avait plus que des bribes…
- Traumatisme ?
- Bonne question… Que je te pose.
Il a très vite compris ce que je lui demandais et je regrettais qu’il m’ai coincé dans son royaume. L’ensemble du labyrinthe se mit à vibrer de colère et la poussière, jusque-là inexistante, s’envola en colonnes hostiles, si tant est que ce soit possible.
- Tu… veux que je possède ce pauvre garçon ? gronda t’il. Et que je tente une transe de mémoire… ?Les fissures commencèrent à apparaître sur les colonnades et plusieurs pupitres tombèrent à terre. Je commençais à douter d’en sortir vivant.
- Calme-toi… C’est juste une demande cordiale que je te fais.
- Oh, il est de bon ton que cette demande soit cordiale !Sa voix était descendue de plusieurs octaves et on pouvait entrapercevoir le ciel rouge par les fissures du toit.
- Je crois que tu t’emportes un peu.
Ses yeux étaient devenus d’un rouge de sang et certains attributs démoniaques commençaient à poindre à travers son costume, pourtant impeccable. Il s’en rendit compte dans un petit soupir de surprise et respira longuement à de nombreuses reprises pour faire refluer sa hargne.
- Désolé… Je…
- Ce n’est pas grave, le rassurais-je. Tout le monde a le droit de péter les plombs. Un peu. Tant que tu repars tes conneries…
Je lui montrais le toit du doigt et il continua à respirer fort pour réparer les fissures et remettre la bibliothèque en état. Ses yeux rouges furent les derniers à refluer et il prit une dernière inspiration afin de stabiliser l’ensemble. Les serpents reprirent leur route paresseuse parmi les rayonnages et les étagères et, comme je m’en doutais depuis longtemps, reprirent leur place de Ciment du Rêve. A cette époque, l’architecture des Rêves m’attirait mais je ne trouvais aucun professeur pour m’enseigner cette fabuleuse voie de magie et Alcibiade ne souhaitait pas me voir emprunter ce chemin sans retour.
- Ne me refais jamais ça. Grogna t’il.
- Mais c’est le seul moyen que j’ai de savoir ce qu’il s’est passé ! Et surtout d’innocenter les Métamorphes.
- Tu ne comprends pas…
- Alors, expliques-moi.
Il soupira de nouveau et se cala contre son trône comme s’il pouvait le bercer. Ce que fit le trône. J’ai eu une pointe de jalousie ; je voulais mon trône berceur, moi aussi.
- Je ne suis pas sûr de pouvoir retourner dans ce corps si, d’aventure, je devais le quitter.
- Pardon ?
- C’est le problème quand on investit un corps sans conscience… on marque son territoire.
- Y’a… des choses… que j’avais vraiment pas envie de savoir. Mais je croyais que tu avais un sort de possession passive… Quelque chose qui te permet d’aller espionner des gens… surtout quand ils sont dans des endroits qu’on ne peut pas visiter… genre le Pentagone…
- Pour une possession passive, il faut une conscience que je puisse suivre ! Tu peux me dire où je la trouve dans un mollusque ??
Le Labyrinthe recommença à trembler et Alcibiade essaya de calmer son mouvement de colère.
- Désolé… Grommela t’il.
- Je sais que je vais me prendre un lustre dans la gueule mais tu devrais penser à prendre des cours de Yoga.
- Je devrais surtout penser à te quitter et à m’enfuir le plus loin possible.
C’était une conversation que nous avions eu un bon nombre de fois. Et à chaque fois, les répliques étaient les mêmes :
- Pourquoi tu ne le fais pas ?
- Parce que je n’ai pas le droit. Et tu le sais !
Mais là, j’en avais marre alors j’ai rajouté une réplique :
- Je sais que tu n’as pas le droit mais je ne sais pas pourquoi !
- Ça… C’est toi qui n’a pas le droit de le savoir. Ecoute. Je vais faire de mon mieux avec ton mollusque mais en échange, je te demande d’oublier ce que tu viens d’entendre.
A cette époque-là, je commençais à en avoir marre qu’on ne me dise rien, qu’on me laisse dans le flou. A l’heure actuelle, j’aurais préféré ne rien savoir.
[1] NDA : Clef à molette et Poche de perfusion, l’histoire de Carlo et d’Anthony ne sera jamais écrite. Du moins pas par moi… Ou alors j’aurais bu…